Enemy par Philip Marlowe

D'habitude je ne suis pas féru des films zinzins (par exemple j'avais détesté Mulholland Drive), mais je reconnais que j'ai beaucoup apprécié Enemy. J'ai tout simplement aimé le côté prenant, parfois un peu humoristique, de l'intrigue, et surtout, j'ai adoré la photographie. La composition des plans est vraiment très travaillée, on y retrouve souvent des lignes qui structurent harmonieusement l'image. La lumière blafarde jaunâtre dans l'appartement d'Adam Bell communique un sentiment d'angoisse et d'enfermement.

Je n'ai pas cherché à analyser profondément la signification du film, et d'ailleurs je pense que c'est assez vain. Comme beaucoup de films psychologiques surréalistes, ils demeurent volontairement ouverts. Je ne crois pas plus à l'hypothèse de dédoublement de personnalité qu'à l'incarnation subconsciente de la mère ou de la femme en araignée. Ce sont des hypothèses crédibles dans une certaine mesure, mais je n'y vois pas là la finalité du film. Dans Fight Club par exemple, le dédoublement est explicitement révélé à la fin du film, et il donne sens à l'ensemble. Dans Enemy, c'est beaucoup moins clair.

J'ai plutôt ressenti le film comme une tentative de description du sentiment d'aliénation : pendant toute une partie du film Adam est en effet obsédé par la recherche de son sosie. Il va jusqu'à mentir sur sa propre identité pour le retrouver. Et, paradoxalement, en même temps que le film explore l'aliénation - c'est à dire le fait d'être dépossédé de soi-même par quelque chose qui nous est étranger - il explore aussi l'angoisse que génère la ressemblance (le sosie). Ce qui nous ressemble trop, nous inquiète.

Je préfère mille fois ce film de Denis Villeneuve à Mulholland Drive de David Lynch. Les deux se prennent énormément la tête, mais le premier à l'avantage de savoir faire un film...