Décryptage du chaos
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le 15 juil. 2014
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Les films d'auteur me fascinent. Non vraiment, ils me fascinent. À chaque fois, c'est toujours le concours de celui qui va étirer son histoire le plus longtemps possible avant qu'elle ne pète comme un élastique. Ou comme un caramel mou, si vous voulez.
Dans Enemy, et comme dans surement beaucoup de films d'auteur (arrêtez-moi si je me trompe hein, je reste curieux), l'intrigue tient sur une ligne : "un mec apprend l'existence d'un type qui lui ressemble comme deux gouttes d'eau." Et c'est bien souvent comme ça que sont écrits les scénarios : on part d'un idée résumée en une phrase, puis on étoffe et on a notre film.
Filons la métaphore du caramel, voulez-vous :
— Pour un film standard, l'idée de base est un caramel de taille standard (2cm on va dire). On l'étire, et avant que ça claque on rajoute du caramel, encore et encore jusqu'à atteindre un caramel long mais suffisamment épais pour qu'il soit possible de l'étirer encore. Ça y est, on a notre film de 1h30, obtenu avec une soixantaine de caramels. Ce qui fait plusieurs bouchées
— Pour Enemy, on a toujours notre caramel de taille standard. Villeneuve l'étire, et au lieu de rajouter du caramel pour le consolider, il se croit plus malin que les autres et continue à l'étirer. À la fin, on a notre film de 1h30, obtenu avec un seul caramel, bien fin et qui donne un arrière-goût d'arnaque/pas assez quand on le mange. En une bouchée, ça va de soi.
Si t'as pas compris, je vais faire simple : Enemy est un film vide. Le postulat de départ pourrait tenir en dix minutes (allez, vingt si t'es bon) mais est étiré au maximum pour rentrer dans la catégorie du long-métrage. Ainsi donc, chaque scène rivalise de mollesse avec la précédente, pour au final ne pas raconter grand-chose. Et au milieu, y'a des araignées (la seule scène tape-à-l'œil du film, une araignée géante et décharnée qui surplombe la ville).
Qu'on se le dise : je n'ai rien contre le fait qu'un film soit contemplatif. La preuve, j'adore Le Seigneur des anneaux. Sauf que dans Le Seigneur des anneaux, on te montre des beaux paysages, des combats spectaculaires, le tout porté par une musique transportante.
Dans Enemy, rien de tout ça. Quelques plans sur random ville nord-américaine n°23, Sarah Gadon en gros plan qui pleure (bon, là ça va, elle est magnifique Sarah Gadon, mais fais gaffe Denis, tout miser sur la plastique de son actrice c'est le ressort des blockbusters !) et Jake Gyllenhaal qui se demande ce qu'il se passe. Et évidemment on te sort la carte de la fin qui n'en est pas une (non mais sans blague, t'appelle ça une conclusion ?), histoire que le spectateur se croit doué d'une intelligence hors du commun lorsqu'il pense avoir compris tel ou tel plan ambigu.
Qu'on se le dise : je n'ai rien contre les éléments ambigus dans un film. M. Night Shyamalan le fait très souvent. Sauf qu'avec M. Night Shyamalan, je n'ai pas l'impression que le film a été étiré au maximum pour faire 1h30. Avec Enemy, si.
Et en plus, le filtre sépia donne soif. Mais c'est pas grave, j'avais le temps d'aller boire en coup en plein milieu de scène, revenir et me rendre compte que je n'avais rien raté.
Faut vraiment que je revienne aux nanars moi...
Créée
le 30 mars 2024
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