Parmi les réalisateurs en vogue actuellement nous avons notamment des cinéastes expérimentés tels que David Fincher et Christopher Nolan, mais d’autres comme Damien Chazelle et Denis Villeneuve commencent également à se tailler une belle réputation. Ce dernier s’était illustré avec Incendies (2011) et Prisoners (2013), et avait impressionné avec Premier Contact (2016). Il y a également eu Enemy, en 2014, qui nous fait voir Jake Gyllenhaal en double dans un long-métrage énigmatique et tortueux.


Dès le début du film, Denis Villeneuve livre une clé de compréhension (si on peut la définir ainsi), en citant José Saramango, l’écrivain auteur du livre dont est inspiré le film : « Le chaos est un ordre qui n’est pas encore déchiffré. » Cette phrase apparaît et s’ancre dans notre tête pendant les une heure et demie de film, nous faisant comprendre qu’il faut bien s’accrocher, et surtout faire la démarche de tenter d’assembler les morceaux. Villeneuve fait un choix radical en plongeant son film sous un filtre jaune très lourd et omniprésent. Pourtant généralement apaisant, lié au Soleil, c’est ici dans un registre plus anxiogène qu’il est utilisé, faisant référence au mensonge, à la tromperie et à l’adultère, des éléments omniprésents tout au long du film.


En effet, le spectateur ne peut se défaire de cette atmosphère dérangeante et torturée dans laquelle l’intrigue se déroule. Partant s’aventurer aux confins de la raison dans des décors de béton mornes et inquiétants, Villeneuve semble marcher sur les traces d’un David Lynch de Blue Velvet (1986) et Lost Highway (1997). Habité par une ambigüité permanente, Enemy surprend à chaque fois que l’on a la sensation d’avoir décrypté un élément de l’intrigue, et nous perd à nouveau. Tout le film tourne autour d’un schéma commun : la toile d’araignée. Le tableau du professeur d’histoire, les araignées, des éléments du décor rappelant ce motif… La toile d’araignée symbolise quelque chose de complexe, solide, mais aussi dangereux.


Avec des plans pour la plupart longs, Enemy laisse souvent place au silence pour laisser au spectateur le temps de cogiter et lui-même fabriquer sa propre toile d’araignée et étudier toutes les potentialités de l’histoire. Ostensiblement schizophrène, Enemy ne révèle jamais réellement tous ses secrets, et tire sa révérence sur un ultime plan des plus surprenants qui reste, pour sûr, dans la mémoire du spectateur. Si Denis Villeneuve ne signe pas ici un film que nous pourrions qualifier de chef d’œuvre, il a le mérite de s’aventurer dans des contrées obscures que trop peu, aujourd’hui, osent visiter.


Enemy est un film captivant, enveloppant, mais très stressant et mystérieux, qui mobilise perpétuellement le cerveau du spectateur, ne lui laissant aucun répit. Certains choix de narration peuvent dénoter avec le déroulé général du film, cependant, il doit justement se voir comme une toile d’araignée, où nombre d’éléments sont liés entre eux, mais rien ne dit que l’on doive explorer la toile dans son ensemble. En effet, rien que de l’imaginer entièrement est terrifiant, et pour cela, Enemy est un film qui réussit son pari et saura rester dans ma mémoire un bon bout de temps.

JKDZ29
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le 3 avr. 2017

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