Décryptage du chaos
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le 15 juil. 2014
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Le double comme figure imposée au cinéma, c’est toujours une expérience qui nous fait flirter avec les limites, et c'est stimulant pour notre imagination. Quand c’est bien fait, c’est le pied. Et on pensait qu’on avait déjà tout vu dans le secteur, et bien non. Un prof d’université, voit son jumeau dans un film, et décide de le retrouver. Villeneuve est intelligent. Le plus important, c’est pas ce qu’on ne voit pas, car rien n’est caché, mais ce qu 'on voit. On voit toutes les ficelles, pourtant on marche quand même ( ?) Moi j’étais un perdu. On peut déduire plusieurs explications, et toutes se valent. On est dans un piège, une toile d’araignée ; et Villeneuve ne privilégie aucune piste, donc nous, on reste seul avec notre ressenti, et aucune piste pour relâcher la tension.
Adam et Anthony, A est A, sont plus identiques que des jumeaux (?) Adam est prof timide et discret, Anthony acteur de seconde zone qui se la joue macho, (il fait de la moto). Le prédateur c’est lui ! L’autre, le prof, serait Peter Parker avant Spiderman. Et là, je me suis senti comme dans une matrice. Comment cela est-il possible ? Il y a conjonction astrale ? Déchirure dans l’espace temps ? Le filtre jaune, qui donne au film une patine dorée n’arrange rien. Tout est irréel, mental, alors que les situations sont banales, domestiques. Une rencontre dans un hôtel, une scène de ménage, une dispute.
C’est filmé à l’économie, et l’impact est encore plus fort. L’étrangeté d’une ville comme Toronto, qui apparaît comme intimiste, étrange, et labyrinthique. Le film ne se presse pas, ne cogite pas des masses, mais donne une sérieuse matière à réflexion. Cette araignée suspendue en l’air, c’est de la science-fiction qui ne veut pas dire son nom. C’est le prélude à une invasion d’araignées tueuses gigantesques…Et cette femme inconnue qui revint hanter notre héros, est-elle vénéneuse, ou bien offerte, ou les deux à la fois ? Objet sexuel ou prédatrice sans visage, c’est qui ? C’est Mélanie Laurent, Sarah Gadon, ou une pute dans une partie fine? A ou A semble ĕtre amateur de club échangiste.
Pour moi c’est clair, ce film c’est un mix entre Fight Club de Fincher, et Spider de Cronenberg. Car il est évident que Jake Gyllenhaal est tout seul. Il n’y a pas de double. Comment expliquer qu’il puisse être à des endroits différents en même temps ? Astuce du montage. D’accord mais même quand on le sait, on marche quand même. Le montage ne suffit pas. Il y a illusion d’optique, très bien calculé, qui fait que par moments du film, c’est la schizophrénie, à d’autres, c’est le fantastique qui l’emporte. C’est les deux à la fois. Isabella Rossellini, est la mère de qui ? Elle aussi semble être dans un faux-semblant, une énigme. Un drame psychologique, comme on disait anciennement, qui emprunte des codes du cinéma fantastique, d’où ces plans mystérieux, où on se perd à chercher, et on ne trouve que la surface des choses. Pas de doute, ce film est à voir pour ceux qui aiment le mystère. Et la caresse illusionniste du jeu d’acteur, qui y fait beaucoup. Gyllenhaal même quand il ne fait rien, traîne quelque chose de pas net, de malsain, d’inquiétant derrière.
Anthony se fâche, et veut la femme d’Adam, une femme enceinte de six mois, (Sarah Gadon), plus inquiète qu’épanouie, jalouse, et qui semble aussi perdue que nous ; son mari est-il vraiment son mari ?... Les câbles au-dessus de la ville forment une grille, une cage, et on en dedans. Et puis Mélanie Laurent, qui apparaît un temps, et disparait subitement ; mais a-t’elle réellement existée ? Oui et non. A chacun de faire son choix, montage multipiste. Mélo-drame fantastique.
Et ce n’est pas l’explication donnée par un geek à la fin du DVD qui va lever le voile, il ne fait que mettre en lumière (un peu plus), le piège. Tout est clair, et chaque plan est un élément du jeu, qui complexifie la situation au lieu de l’assainir. Adam n’est en effet pas tout seul. Son double c’est notre capacité à accepter tout ce qui est vraisemblable comme vrai, dès que c’est un tant soit peu crédible. Exercice de manipulation complètement artisanal, et carrément génial par sa simplicité même, l’anti Matrix, qui abusait de la violence graphique, et du filtre vert pour paysage numérique.
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Créée
le 7 avr. 2016
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