English Vinglish est un film plein d’humanité. On n’y trouvera pas les traits particuliers aux Bollywoods qui peuvent agacer les occidentaux. Il dresse un magnifique portrait de femme.
Shashi est mère de deux enfants. Elle tient parfaitement sa place de femme indienne à qui le mari demande implicitement : présence, dévouement et qui doit se tenir avec grâce dans une position d’infériorité tandis que l’homme assume le rôle de chef de famille et se laisse absorber par son travail de bureau. L’harmonie règne dans ce couple, chacun tient correctement sa place et joue son rôle. Sauf que l’aînée devient adolescente et manifeste de la gêne, voire du mépris envers sa mère qui ne maîtrise pas l’anglais. Cette langue est un marqueur social dans la société indienne, et le signe aussi d’une personne éduquée. Shashi ressent douloureusement l’attitude de sa fille ainsi que les petites remarques condescendantes de son mari. Elle est réduite à ce qui est considéré comme son unique talent : réaliser des ladoo, des friandises indiennes dont elle a le secret.
Mais voilà qu’un événement va changer la donne. Sa nièce se marie à New York et Shashi est invitée, avec sa famille, à venir au mariage. Elle s’y rend seule plusieurs semaines à l’avance pour aider aux préparatifs. Cette distance loin de son mari, de ses enfants lui donne l’espace nécessaire pour réagir et décider de prendre les choses en main. Quand on mesure le poids de la société indienne qui pèse sur les femmes, on ne peut qu’admirer le combat humble et tenace de Shashi qui refuse de se laisser enfermer et de se comporter en victime et qui conquiert sa dignité.
A côté de l’histoire de Shashi, nous est dépeinte aussi la condition des étrangers aux USA, dont un français. Être étranger, c’est être dans une position d’infériorité surtout si on ne maîtrise pas la langue. Situation que tout étranger éprouve quel que soit le pays. Les liens qui se tissent entre les personnes de ce petit groupe qui cherchent à améliorer leur anglais est mis en valeur avec beaucoup de justesse. Ce sont des liens d’amitié qui se tissent entre eux, mais qui peuvent aussi aller au delà et Shashi va devoir faire face à une situation qui la déstabilise.
Le film aborde ainsi plusieurs thèmes tels que : le statut de la femme particulièrement infériorisé en Inde, l’humiliation de ne pas maîtriser une langue considérée comme un signe distinctif de l’élite indienne, l’entraide, l’amitié, la confiance en soi, l’amour qui survient, la combativité, la responsabilité vis-à-vis des autres.
La séquence finale, lors du mariage de la nièce, est émouvante. Elle est la « consécration » du parcours courageux de Shashi et le moment où elle se resitue dans sa vie et ses relations familiales.
Si le scénario est intelligent, le jeu des acteurs vient renforcer la qualité de cette histoire. Tous les acteurs ont un jeu qui sonne juste. Je signale Sridevi qui tient le rôle principal et qui fait passer beaucoup de nuances dans son jeu d’actrice. De manière imperceptible elle nous fait pressentir tout ce qui se passe en elle : ses luttes, ses peurs, ses interrogations, ses émotions. Il faut souligner que ce film est le retour devant la caméra de cette grande actrice indienne, après un arrêt de 15 ans suite à son mariage… Elle a obtenu pour ce rôle le prix 2018 de la meilleure actrice à l'International Indian Film Academy. L’autre acteur que je retiens est le français du film, Mehdi Nebbou, qui tient ici le rôle principal masculin. Son jeu m’a profondément touchée et j’aurais voulu autre chose à la fin pour son personnage. Mais morale indienne oblige… Il ne pouvait arriver rien d’autre.
English Vinglish est un film intelligent, émouvant qui pourra toucher un large public, même réfractaire aux films indiens.