Enola Holmes
5.5
Enola Holmes

Film de Harry Bradbeer (2020)

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Un petit 6, certes un tantinet généreux, mais disons que c'est à titre compensatoire. Car j'ai du mal à comprendre certaines notes fort basses, et des avis qui le sont tout autant, pour un film qui ne mérite pas tant de haine à mon avis.


On va se mettre d'accord tout de suite : ce film ne restera pas dans les mémoires, pas même dans celles de l'année 2020, ni même dans celles du mois de septembre 2020. Aussitôt vu, aussitôt oublié ou presque.


Enola Holmes est un film inoffensif, sans aspérité, tout public et consensuel. Ça, oui, d'accord, on peut l'admettre sans problème.
Mais le lui reprocher ? Je trouve cela un peu injuste, d'autant plus quand on sait - et ce n'est pas un détail - qu'il est adapté du premier tome d'une série de romans pour la jeunesse.
Laquelle série, elle-même, fait partie des nombreuses qui fonctionnent bien mais ne bouleversent pas l'approche de cette littérature destinée aux enfants ou adolescents. D'autres romans, d'autres auteurs le font. Pas Nancy Springer. Et alors ? On ne va pas lui coller un procès parce qu'elle écrit des livres polis, non plus ?!?


Hé bien, voilà, le film est une adaptation sage et fidèle du livre. C'est-à-dire qu'il nous emmène, à un rythme relativement soutenu (non, on n'a pas le temps de s'ennuyer, n'en déplaise à certains), du mystère initial à sa résolution, en passant par une sympathique collection de rebondissements et de péripéties, convenus pour la plupart, mais efficaces.


À l'image du reste, la réalisation est transparente. Les reconstitutions numériques, notamment celles de Londre en plans larges, bavent un peu de temps à autre ; le reste, les décors, les costumes, tout est propret, conforme à l'imagerie classique que l'on peut attendre dans ce genre d'histoire.
Donc, non, on n'est pas chez Guy Ritchie - même si on passe par quelques bastons joliment chorégraphiées, et qu'il y a des idées sympas dans certains tableaux de transition.


Côté casting, pas d'étincelle non plus - à une exception, la plus importante, j'y reviens après.
Henry Cavill démontre son absolu manque de charisme en incarnant un Sherlock Holmes plus statique qu'un porte-manteaux. Passer après les exubérants Robert Downey Jr. et Benedict Cumberbatch, pour citer les références les plus récentes, est certes très compliqué ; mais s'absenter à ce point du rôle, ça devient problématique. Certes, il est ici personnage secondaire. Ce n'est pas une raison pour faire tapisserie.
Je ne vais pas citer les autres, ils jouent chacun une partition sans saveur particulière, d'un Mycroft méchant cliché (Stephen Fry, Mark Gatiss, où êtes-vous ?) au jeune vicomte trop mignonnet pour être crédible.


Ah, si, il faut citer Helena Bonham Carter, qu'on voit peu mais qui brille (plus sobre que d'habitude) dans le rôle de maman Holmes, taillé pour faire briller l'approche féministe du récit. Un propos très sage, là aussi ; mais, ma foi, je peine à comprendre certaines furies lues par ici à ce sujet.


Alors oui, messieurs, collègues gentlemen du sexe prétendument fort, nous n'avons pas fini d'entendre ces dames clamer leur volonté d'être considérées en tant que telles. En tant qu'égales, membres à part entière de la société et de l'humanité, sans lesquelles nous ne serions pas là, soit dit en passant, tout membrés que nous soyons.
Elles sont dingues, oui, je sais. Mais c'est comme ça, c'est la mode. Et puis, il aurait peut-être fallu éviter de les piétiner, de les ignorer, des les humilier pendant des siècles. Elles seraient sans doute moins vindicatives aujourd'hui. Et nous, pas plus bêtes - sans doute beaucoup moins, en réalité.


Bref, parenthèse refermée, revenons à nos moutons holmesiens. Et arrêtons-nous sur le seul point d'intérêt majeur de ce film. La seule chose qu'il faudra en retenir, et qui se résume en trois mots.
Millie Bobby Brown.


Stranger Things l'a révélée, puis consacrée au cours de ses trois premières saisons. Ses apparitions hors la série des frères Duffer ne resteront pas, espérons-le en tout cas, comme les plus mémorables de sa filmographie à venir. Deux Godzilla, Enola Holmes... Peut mieux faire, c'est sûr, en terme de prestige et de défi d'interprétation.


Néanmoins, la jeune Millie crève l'écran dans Enola Holmes. Échappée du mutisme de son rôle iconique d'Eleven, elle se montre vive, malicieuse, énergique, entraînante, convaincante. Elle assure les scènes d'action et de bagarre autant que les dialogues à fleuret moucheté.
Pour ma part, j'ai beaucoup aimé ses interventions face caméra, qui créent une connivence souvent réjouissante avec le spectateur. À aucun moment cela ne m'a sorti du film, au contraire. À dire vrai, je préfère cet artifice à une voix off, souvent beaucoup plus envahissante et pesante que cette transgression piquante du quatrième mur.


Bref, voilà, pas la peine d'aller plus loin. S'il y a une raison de regarder Enola Holmes, c'est celle-ci : Millie Bobby Brown.
Non contente de lui ressembler un peu, elle a le bon goût d'emprunter une bonne part de son charisme à Natalie Portman. Reste à faire désormais les bons choix artistiques, pour se constituer une carrière aussi exemplaire.
C'est évidemment tout le mal que je lui souhaite.

ElliottSyndrome
6
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le 27 sept. 2020

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ElliottSyndrome

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