Énorme, de Sophie Letourneur est un film qui nous prend au dépourvu, tant on s’attend à une comédie française classique peut-être un peu lourde, mais assurément pas à l’objet étrange que j’ai visionné. Le film déroute dès le début pourtant : on a l’impression de voir un documentaire pas très bien filmé, limite une caméra cachée où les figurants assistent un peu comme nous à l’extravagance des personnages un peu énormes joués par Marina Foïs et Jonathan Cohen. On ne sait pas d’emblée vers quoi le film va aller… on pressent que Jonathan Cohen va en faire des tonnes avec des blagues un peu lourdes et que Marina Foïs va assister au grand déballage d’un air hagard, un air qu’on l’imagine garder tout au long du film… Mais Cohen n’est pas si lourd que ça, on sent poindre un vrai point de vue via l’inversion des rôles homme-femme dans le couple, par exemple. Il y a de la caricature et de la parodie, mais on se prend au jeu et on commence à croire à leur histoire.
Le film évolue assez vite, avec des découpages au couteau qui amènent à des scènes à chaque fois intéressantes, surprenantes, décalées ou… émouvantes. L’impression « documentaire » se renforce au fur et à mesure de l’avancement du film par le fait que les personnages secondaires ont tous l’air… de ce qu’ils sont, des gynécologues, des sage-femmes… même les voisins, la mère ou la prof de piano sentent bon le réalisme. Un réalisme de plus en plus criant vers la fin du film : pour avoir vécu la naissance de ma fille au début du mois de janvier 2021, je peux vous confirmer que Sophie Letourneur n’a pas essayé de maquiller d’une quelconque façon la réalité d’un accouchement.
Énorme m’aura emmené dans pas mal d’émotions, du rire à la consternation, de l’incrédulité à l’empathie. Ce n’est pas une comédie, pas vraiment une parodie, c’est un film qui joue sur tous les tableaux à la fois et on en ressort ému et un peu hébété, à la manière du personnage joué par Marina Foïs… Un personnage « à l’ouest » qui subit pendant une grosse partie du film, mais qui est bien obligé de se réveiller à un moment donné et c’est assez finement joué.
Critique publiée ici : https://lecrandegontran.wordpress.com/2021/02/10/enorme-de-sophie-letourneur/