Les amateurs de cinéma asiatique connaissent le film de 1978 Enter the Fat Dragon, de et avec Sammo Hung, une sorte de parodie des innombrables films de faux Bruce Lee qui ont inondé le marché après la mort du célèbre acteur et dans lequel Sammo montrait toutes ses prouesses malgré sa carrure imposante. On retrouvait un peu le même style de rôle, toujours avec Sammo, dans Skinny Tiger Fatty Dragon (1990) réalisé par Lau Kar-Wing. Le toujours prolifique Wong Jing (Nicky Larson, Future Cops) décide, avec l’acteur chorégraphe Tanigaki Kenji, de mettre en boite en 2020 une comédie d’action portant le même nom, avec un Donnie Yen artificiellement gonflé pour l’occasion. Enter the Fat Dragon version 2020 n’est pas un remake de son homologue de 1978 mais plutôt un hommage au film de Sammo Hung, car clairement, ils n’ont pas grand-chose en commun si ce n’est l’envie de mélanger action et comédie.
On suit le personnage de Fallon Zhu, incarné par Donnie Yen qu’on ne présente plus, un superflic qui veut absolument faire le bien mais qui, à cause de son professionnalisme, fait un peu partir sa vie privée en cacahuète. Sa petite amie de longue date, Chloe Song, une actrice de télévision incarnée par Niki Chow (Chasing the Dragon, The Cursed), finit par le larguer car elle en a marre des absences répétées de son homme. Déjà pas bien suite à cette rupture, Fallon Zhu est en plus rétrogradé dans son boulot à cause de trop gros dégâts causés dans sa dernière intervention, un braquage de banque, et se retrouve au sous-sol de son commissariat, à s’occuper de la gestion des archives. A moitié déprimé, il commence à manger, manger, manger, tout et n’importe quoi, et commence à prendre énormément de poids. Lorsque son ancien collègue, devenu inspecteur, vient le voir pour une mission d’escorte d’un suspect jusqu’à Tokyo, il saute sur l’occasion car il n’a qu’une envie : retourner sur le terrain. Ça sera également l’occasion pour lui de revoir son ancienne petite amie, actuellement au Japon afin d’essayer de se faire connaitre là-bas. Mais lorsque le suspect est assassiné par l’homme d’affaires véreux, incarné par Hayama Hiro (Firestorm, Sifu vs Vampire), qui parraine l’expérience japonaise de Chloe, et que l’inspecteur responsable de l’affaire (Takenaka Naoto) se révèle être corrompu, Fallon Zhu va devoir faire équipe avec un ancien flic sous couverture, incarné par le réalisateur Wong Jing lui-même, devenu propriétaire de restaurant, afin de les traduire en justice.
Clairement, nous ne sommes pas ici dans un grand film, et de toute façon, il n’en a pas la prétention. Wong Jing et Tanigaki Kenji n’ont qu’une seule envie, faire une comédie d’action comme on en faisait plein dans les années 80/90, n’ayant pour unique but que de proposer un divertissement fun. Le film rappelle d’ailleurs pas mal les comédies populaires de Wong Jing des années 90, à commencer par son humour qui ne cherche jamais à être finaud.
Déjà, il est clair qu’il ne faut pas être complètement hermétique à l’humour cantonais qui est quand même bien particulier. Les blagues sont nombreuses, pas toujours de très bon goûts (normal avec Wong Jing), ne sont pas toujours très heureuses même si, dans l’ensemble, sans pouffer de rire, ça fonctionne plutôt bien. Bien entendu, on n’est jamais à l’abri d’un gag pipi caca à base de prout, mais ça colle plutôt bien avec le ton plutôt léger de la bobine. Le clin d’œil parodique au SPL de Wilson Yip est d’ailleurs particulièrement fun. Alors qu’il aurait osé sans scrupule il y a 25 ans, le réalisateur ne se moque jamais des gros. C’est même l’inverse qui se passe ici où, un peu à la manière de films de Sammo Hung, la grosseur signifie plus le côté jovial, la bonhomie, tout en montrant que ce n’est jamais un obstacle aux prouesses martiales. Donnie semble s’amuser comme un petit fou et est très attachant. Le casting dans son ensemble s’en sort plutôt bien. Niki Chow est charmante et plutôt à l’aise dans son rôle d’hystérique un peu idiote ; le vétéran japonais Takenaka Naoto est très fun dans celui du flic qui lâche des caisses et qui perd sans cesse sa perruque ; Wong Jing tire étonnement son épingle du jeu, lui qui nous a habitué à des personnages très lourdingues, ici bien plus attachant et touchant que prévu. Car malgré les gros gags, il se dégage d’Enter the Fat Dragon une douceur générale qui le rend plutôt attachant, un peu la même sensation qu’on avait ressenti sur un autre film récent de Donnie Yen, Big Brother (2018).
De leur côté, les scènes d’action, sans être exceptionnelles, sont assez réussies. Qu’elles soient funs ou plus sérieuses, les chorégraphies sont bonnes et ont un côté très punchy qui leur donne un excellent rythme. C’est loin d’être les affrontements les plus réussis de Donnie Yen, ce dernier semble d’ailleurs constamment doublé, mais ça frappe fort, les cascadeurs en prennent plein la gueule comme à la belle époque, c’est énergique et constamment en mouvement grâce à une excellente utilisation des décors. Le problème, c’est lorsqu’ils sont appuyés par l’utilisation de CGI ou de fonds verts. Cela fait 20 ans qu’on fait ce reproche au cinéma de Hong Kong et ça fait 20 ans qu’on attend que ça évolue à ce niveau-là, mais dès qu’un combat se passe sur un fond vert pas terrible, ça fait tout de suite perdre en intérêt au fight. L’ultime combat sur la tour métallique, aussi bien le décor derrière que l’hélicoptère qui se balade autour, c’est foireux, et mieux vaut arriver à se concentrer sur la castagne sous peine de saigner des yeux. Néanmoins, elles tiennent dans l’ensemble bien la route, et en cette période de vaches maigres dans le cinéma de Hong Kong, il faut essayer de ne pas faire non plus trop la fine bouche et apprécier lorsqu’un film nous propose un truc qui castagne pas mal et que c’est plutôt bien mis en boite (si on sort des CGI pourris donc). La réalisation fait le job dans son ensemble, visuellement le film s’en sort pas trop mal. On sent que l’expérience de Wong Jing parle, 107 films au compteur le bougre, bien qu’il ne soit ici que coréalisateur (c’est Tanigaki Kenji qui réalise les scènes d’action), et même si Enter the Fat Dragon n’est pas le film de l’année 2020, il demeure néanmoins un très sympathique divertissement, sincère, généreux dans ce qu’il propose, bien que bancal sur certains points.
Enter the Fat Dragon version 2020 est bien loin de son homologue de 1978 réalisé par Sammo Hung. Néanmoins, on passe un bon moment devant ce mélange homogène entre comédie et action. Son intrigue est certes banale, l’humour pas toujours de très bon goût, mais on se marre et les scènes d’action sont efficaces.
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