Ce film tourné juste après "L'Homme à la caméra" reste à mon avis son dernier documentaire et une des rares tentatives de montage soviétique parlant.
Ainsi, s’enchaînent les sons de trains, de pleures lorsqu'un homme marche ivre à travers une ville, des marches des ouvriers scandant leurs exercices, une audace sonore qui rest rare même aujourd'hui et n'a que le cinéma japonais et hongrois des années 50 aux années 70 comme parallèle.
Les prises de vues sont magnifiques, montrant la région de Donbass (aujourd'hui sous occupation russe) en chaos, en flux face à la stalinisation et juste avant le Holodomor qui tuera des millions d'ukrainiens. L’intelligence du montage sonore enrichi donc ces images, comme ce contexte historique particulier.
Hélas, le rythme est parfois irrégulier et ça s'explique par le fait que Dziga Vertov a été contraint de réduire son film de moitié. Le film commence par un dialogue entre compositeur et auditeur de radio, hélas ces deux personnages disparaissent, le film n'est donc pas permis de devenir un écho sonore à "L'Homme à la Caméra", laissant un film en trois temps: le combat contre la religion, pour l’industrialisation et la mécanisation de l'agriculture, ainsi une construction narrative moins complexe que "L'Homme à la caméra", film mosaïque.
Ce film porte déjà les traces du réalisme socialiste naissant et son prochain film "Trois Chants pour Lénin" n'est ni un documentaire, ni un film sonore, en dépit de morceaux de dialogues, c'est l’intertitre et la propreté de l'image qui domine.