Voilà un moment que je souhaitais voir "Entre les murs", film dont la réputation attisait ma curiosité : une Palme d'Or où le pourfendeur de la bourgeoisie Bégaudeau joue son propre rôle ... je me préparais d'avance à prendre une claque de réalisme dans la gueule.
Les 2 heures de film sont captivantes, sans temps mort, effet d'immersion réussie. Les élèves portent cette dynamique, le choix des jeunes acteurs est pertinent, on sent leur sincérité et cela sert le réalisme du film. Les interactions prof-élève, prof-prof, prof-parents ont toutes à un moment ou un autre une résonnance avec le réel : une situation vécue, vue ou racontée finalement presque banale, mais qui révèle bien les difficultés systémiques auxquelles est confronté le système scolaire, et qui n'est allée qu'en se crispant toujours un peu plus jusqu'à aujourd'hui (2023).
Les réactions parfois lunaires des profs face à des ados évoluant visiblement dans des contextes familiaux et sociaux compliqués m'ont parfois fait froncer les sourcils, mais elles ont le mérite d'illustrer le décalage et l'incompréhension entre ces deux groupes, et la difficulté des profs à exercer un métier qui se transforme en médiation sociale à la charge émotionnelle coûteuse. Le personnage de François est à ce sujet assez ambivalent : il semble être le seul adulte à prendre la responsabilité de s'intéresser au contexte personnel de ses élèves, mais en même temps utilise des méthodes voyeuristes assez irresponsables. Je reprocherais des lignes de dialogues ou certaines situations parfois caricaturales (en particulier le profil des élèves), raison principale qui me pousse à ne pas mettre plus de 7.
Regardant ce film en 2023, "Entre les murs" n'a finalement pas été une claque. Les échecs de l'institution scolaire dans les banlieues françaises est un sujet qui a été étudié de tous les côtés par la sociologie, et le film fait fi de subtilités qui lui aurait permis d'être un ton plus juste. Cependant il parvient à dessiner des lignes de fracture toujours très actuelles 15 ans plus tard, marque d'une lecture sociale de l'école honnête et empathique.