Denzel et la dolce vita

Sûr que vous avez déjà lu, ici ou ailleurs, que ce troisième opus de la franchise Equalizer était aux fraises, voire mentait carrément à son public, en ne portant à l'écran aucune scène d'action et permettant à sa figure de proue d'afficher sa moue boudeuse tout en restant assise dès que celle-ci apparaît.

C'est une manière, énervée, de voir les choses, oui.

Pourtant, la scène d'introduction du film est on ne peut plus claire, en préférant illustrer les conséquences écarlates du carnage de Robert McCall plutôt que son exécution.

C'est que Equalizer est aussi jugé sur un malentendu, et ce depuis 2014, quand il est sorti le même mois qu'un film auquel l'on aura pas manqué de le comparer dans le genre distribution de mandales : John Wick.

Manque de bol, John et Robert ont rapidement emprunté des chemins différents : celui de la surenchère rageuse et de l'esthétisme pour l'un, et l'action plus tournée vers le thriller pour l'autre.

Mais revenons à nos moutons, et à cette scène inaugurale renonçant de manière consciente à la baston démonstrative et chorégraphiée, comme le climax du deuxième épisode, pour mieux ensuite rappeler que son héros n'est pas invulnérable.

Au moins, Antoine Fuqua prend-il en compte le fait que sa muse ne rajeunit pas, comme Nimrod Antal le faisait avec Liam Neeson dans le très récent Retribution. Au moins n'essaye-t-il non plus pas de prendre les gens pour des teubs, en faisant comme si de rien n'était et en filmant une doublure donnant des kicks dans l'ombre et de dos pour tenter de cacher la misère et les rhumatismes. Reconnaissons-lui au moins ce mérite.

Ainsi, Equalizer 3 pourrait plus s'analyser comme un western délocalisé, où les pistoleros de naguère auraient été remplacés par des mafieux napolitains naviguant entre tradition et modernité. On pourrait aussi voir la convalescence forcée de Denzel comme une réflexion sur la nature profonde de son personnage, ainsi que la plénitude qu'il rencontre enfin dans une communauté qui lui ouvre les bras, menacée comme s'il s'agissait d'une ville à la frontière du Mexique ou en plein Ouest sauvage et indompté.

Et si tout cela s'avèrera classique et confit de clichés en quelques occasions, il serait cependant malhonnête de ne pas remarquer que Denzel rayonne encore une fois, en retrouvant la complicité de Dakota Fanning, duo qui rappelle que Tony Scott avait livré l'un de ses meilleurs films avec Man on Fire. Il reste aussi à l'écran cette violence sèche et graphique, qui permet à Antoine Fuqua de délivrer quelques images fortes.

Le virage pris par la franchise en fera tiquer beaucoup, pour sûr. Mais il est constant que la franchise évolue avec sa star. Tout en conservant tout ce qui fait le sel de son personnage d'ange exterminateur, de justicier aux accents prolétaires qui sait qu'il s'agit là, en 2023, de l'un de ses derniers tours de piste.

On jurerait presque que l'ombre de l'immense Clint Eastwood plane sur la cité napolitaine...

Behind_the_Mask, arrivederci amore, ciao.