Eraserhead a l'honneur de faire partie de la toute petite famille des films expérimentaux réellement aboutis (aux côtés de 2001 ou Persona pour ne citer qu'eux), des films abstraits avec un réel intérêt pour le spectateur et qui ne sont pas le fruit d'un délire prétentieux et dépourvus d'âme d'un cinéaste mégalomane. Lynch déboule dans le cinéma avec cette oeuvre et jamais il ne sera aussi radical, expérimental, et paradoxalement jamais il n'atteindra un tel niveau de perfection dans l'horreur. La question que l'on se pose alors en tant que spectateur est : "mais que penser de cette oeuvre ?"
Ce film est extrêmement compliqué à aborder, comme venu d'ailleurs, chaque adjectif qualificatif pourrai lui coller et à la fois ne pas lui coller. Ce film est TOUT, un conte merveilleux, une fable surréaliste, un cauchemar éveillé, une comédie noire... aucune interprétation n'est possible. Eraserhead croise ainsi le 2001 de Kubrick sur plusieurs points, Kubrick avouera d'ailleurs qu'Eraserhead est le seul film qu'il aurait aimé réaliser. Si 2001, dès la scène d'ouverture, nous proposait un voyage au sein de l'infiniment grand, Eraserhead nous propose un voyage au sein de l'infiniment petit. Une odyssée non pas de l'espace, mais intérieure, jusque dans les tréfonds de l'esprit malade du personnage.
Lynch se serait inspiré d'une certaine période de sa vie, celle passée à Philadelphie. Il nous raconte l'histoire d'un personnage coincé dans son quotidien répugnant, dans lequel il n'est pas à l'aise, avec pour seule échappatoire la pensée onirique et le cauchemar. Il pense à sa belle voisine, à une femme coincée dans un radiateur, allégorie du paradis, et à son enfant prématuré et monstrueux qui le bouffe de l'intérieur.
Absolument tout dans Eraserhead est pensé pour mettre le spectateur dans une situation inconfortable, celle du dégoût et de l'incompréhension. Le travail sur la bande sonore est d'ailleurs absolument admirable, tout comme celui sur l'esthétique nous rappelant certains classiques allemands de la période expressionniste.
Eraserhead pose donc les bases du cinéma "lynchéen", un cinéma de l'inconscient et du fantasme, celui qui dévoile la triste réalité de notre existence et dans lequel chaque échappatoire vire à l'angoisse.