Tout premier long métrage de David Lynch sorti en 1977, "Eraserhead" semble encore aujourd’hui comme le plus abouti, c’est un véritable conte d’une grande noirceur et d’une extrême intelligence, un midnight movie envoutant, Stanley Kubrick confia lui même "C’est le seul film que j’aurais aimé réaliser".
L’histoire, Henry (Jack Nance) un imprimeur au chômage d’une nature névrosée se voit contraint d’épouser sa petite amie Mary (Charlotte Stewart) à la suite de la naissance de leur enfant, prématuré, à l’allure monstrueuse. Épuisée de ses pleurs incessants, Mary quitte l’appartement laissant Henry seul avec cette créature. Il va alors se mettre a rêver pour fuir cette situation qui le torture.
Le film est en noir et blanc, laissant place à un esthétisme brut et un sens plastique très puissant, la patte de David Lynch dans toute sa splendeur. Le film s’ouvre de manière à nous lancer dans un voyage intérieur, aux confins de l’esprit, nous laissant flotter paisiblement à tâtons dans ces paysages industrielles où la photographie est juste exceptionnelle de contraste.
La scène du diner est des plus macabres et dérangeantes, la mise en scène relève autant de l’absurde que du génie, le fameux découpage du poulet fait parti des prémisses du thème de l’atrophie et du sacrifice. La nouvelle de la naissance prématurée rajoute une surcharge à la détresse chronique de Henry, et la fuite de sa femme le plonge dans les abîmes de sa névrose, le faisant fantasmer à sa voisine de palier et surtout à une femme étrange, au visage difforme représentant un échappatoire voulant le conduire à la plénitude absolue, ce chant "In heaven everything is fine …" résonne encore. Sa folie est à son paroxysme lorsqu’il fini par être décapité et remplacé par la tête du bébé, son fardeau; sa propre tête est enlevée par un jeune garçon pour y être recyclée dans une machine industrielle fabricant des crayons à papier, symbole de la matérialisation de son esprit liée à sa propre condition servile. Il finira par se délivrer de cette condition en tuant la créature avec une paire de ciseaux, un sacrifice obligatoire à sa libération mentale qui est imagée par sa rencontre avec la femme du radiateur.
Ce film est d’une beauté onirique sans pareil, dont on ne ressort pas indemne, un véritable diamant brut.