En 1977, alors qu'une icône du rock n'allait pas tarder à rejoindre le paradis, ou parait-il que tout est bien d'après la chanteuse aux grosses joues du film, un autre mythe naissait, au sens figuré ce coup-ci, grâce à son premier long métrage, un artiste, un génie, un fou, un réalisateur, David Lynch.
Moi, moche et enfant
Je suis le genre de gars à marcher par période, un coup je peux traîner des jours sur une envie de me revoir tous les Eastwood, P.T. Anderson, voire même de bloquer sur un jeu vidéo, etc..., il fallait donc bien que je tombe dans une période Lynch, le genre de période où on aime se perdre. Depuis mon revisionnage très favorable du cultissime Mulholland Drive il y'a plusieurs jours, et l'événement récent du revival de Twin Peaks, je mourrais d'envie de redonner une chance à ce bon vieux Eraserhead.
Il va sans dire qu'il est rare que je me refarcisse un film que j'avais trouvé très mauvais, et en plus que je change radicalement d'avis dessus. La dernière fois que je suis passé d'un 2/10 à un 10/10 c'était pour le Holy Motors de Carax, peut être le genre de film dont il nécessite un revisionnage pour aimer pleinement, je ne sais pas. Quoiqu'il en soit j'avais mal au cul pour ne pas dire aux fesses, de laisser un misérable 3/10 à ce premier Lynch, mes souvenirs étant extrêmement vagues, j'ai voulu lui redonner une chance en espérant augmenter le tarif, contrairement à Dune que je suis pas pressé de me retaper.
Allô Maman bobo comment tu m'as fait j'suis pas beau
C'est donc dès l'ouverture du film que je ressens déjà un contentement d'aimer ce que je vois, je me laisse happer par l'ambiance sourde et sombre. Ce qui m'est venu à l'esprit pendant le film c'était que c'est le genre d'oeuvre où on a envie que ça s'arrête, que cette lenteur pourtant pas ennuyante cesse, et pourtant d'un autre coté on a envie que ça continue, que ça empire.
Eraserhead c'est plusieurs choses, c'est en premier lieu un film terriblement intimiste, où l'histoire nous fait suivre un père plongé en pleine folie. C'est une poignée de décors, d'acteurs, un minimum de dialogues, et une ambiance sonore affreusement oppressante, captivante et terrifiante.
"Glauque", impossible de ne pas sortir ce mot quand on parle de cette oeuvre ou d'une autres du père Lynch, ambiance et photo qui m'ont d'ailleurs inspiré pour mon court métrage Balaleya (ouais bon j'me case un peu de promo, ça va...).
Me voilà donc face à un film en apparence complexe qui dans le fond nous amène à un fait qu'on connait déjà tous, dans la vie ou à travers les amis, la famille, la télé bien sûr, à savoir, la difficulté d'être parent, la peur de mal faire, la peur de ne pas tenir. C'est ce que je ressors principalement du film, car déchiffrer les séquences oniriques n'est pas évident, si tant est que ça soit possible.
Inland en pire
David Lynch s'amusait déjà à foutre au sol les zigs zag noir et blanc de la black lodge de Twin Peaks dans son enfer noir de 1977, un enfer urbain qu'on imagine sans mal malgré qu'on ne le voit jamais. On imagine aisément la fumée qui plane sur une ville dénaturée, où l'herbe n'est plus qu'une idée, où les ruelles doivent être étroites, où la voiture n'existe peut-être même plus, les usines empilées les unes sur les autres auraient bouffées la place, l’atmosphère.
Jack Nance, fidèle de Lynch à l'époque incarne ici un imprimeur à la coupe de cheveux conceptuel, alors qu'il profite de ses vacances, une nouvelle de taille va tomber, le voilà père d'un enfant prématuré. Nance qui est capable de causer rien que par des mimiques faciales apporte une tendresse, un coté enfantin, un contraste humain et touchant face à ce monde austère et lugubre.
Génialement plongé dans quelques décors que la photographie noir et blanc sublime, rarement la noirceur n'aura été aussi belle, la réalisation de Lynch épuré est parfaite, tout comme l'ambiance sonore qui recouvre l'entièreté du métrage.
En bref, l'était temps que je revois ce cauchemar filmique, d'ailleurs difficile encore de dire si j'ai adoré ou si simplement je l'ai trouvé efficace.