Comédie de mœurs mondaine, Erotikon, s'il ne fait pas réellement partie de "l'école suédoise", demeure l'un des titres marquants de son auteur.
On n'est pas très éloigné de l'esprit des "comédies de remariage" que pouvait faire Cecil B. DeMille à la même époque aux USA mais Stiller le fait avec une approche beaucoup plus sobre et mature, loin du barnum décoratif et l'étalage de luxe. Pour continuer le parallèle on retrouve même un interlude antique, bien plus habilement intégré au récit même si un brin trop long.
De ce fait, on pense plus souvent à Lubitsch et avec quelques années d'avance ! On y reconnait l'élégance, la légèreté de l'écriture, la brillante caractérisation des personnages, une relative immoralité, un ménage à trois (voire quatre) et une réalisation précise assez discrète qui joue des variations de cadrages et de la gestion de l'espace pour replacer (ou non) les acteurs dans la dynamique de la séquence.
La direction d'acteurs est également un régal avec juste ce qu'il faut de décalage et de stéréotypes pour éviter la simple farce ou le vaudeville. Pour autant, ils sont parfaitement humains et humanisés et ne sont jamais des simples pantins uniquement crée pour amuser le public. Irene, l'épouse, est un personnage féminin particulièrement intéressant et complexe.
La mélancolie n'est jamais bien loin d'ailleurs pour la relation entre l'épouse et son premier prétendant, avec le risque de casser un peu la dynamique du récit et l'unité de l'écriture. On peut ainsi regretter que le second personnage féminin (la nièce) soit à ce point effacé. Il y a ainsi quelques longueurs durant la seconde moitié lorsque le ton se fait plus dramatique... pour mieux repartir par la suite, en renouant avec la légèreté, parfois légèrement farfelue, le marivaudage raffiné et la comédie de mœurs, ironique sans être mordante à l'image des cartons très amusants avec de petits dessins résumant/détournant les situations.
Les acteurs, tous excellents, incarnent à merveille les personnages à l'écriture originale et il est difficile de ne pas s'amuser du mari qui s’énerve qu'on ne respecte pas sa situation de mari hypothétiquement trompé n'aspirant qu'à manger un ragout ou de l'allure et de la démarche de son collègue comme on ne peut que s'attendrir de l'épouse qui précipite une "fin dramatique" pour en finir avec une situation hypocrite et tendue.