Tandis qu’il a plusieurs projets de longs qu’aucun producteur ne souhaite financer, Moullet tourne Essai d’ouverture peu après L’empire de Médor, dans la salle à manger du producteur. Les plans scrutent les gestes, rien que les gestes, pendant que la voix de Moullet en off commente ses actions, avec son ton aussi monotone que malicieux qu’on lui connait. Il s’agit de tenter d’ouvrir le bouchon en alu récalcitrant d’une bouteille de Coca Cola. Moullet se moque encore et toujours de l’absurdité de notre quotidien autant qu’il navigue dans l’autodérision : Dans la présentation il explique qu’il est apraxique donc qu’il lui est difficile de faire ses lacets ou dévisser un bouchon alors qu’il est tout à fait capable de faire rire des salles ou courir un marathon. Il dit que Spielberg aurait traité ce grand sujet de société (Moullet dit s’inspirer du Lutrin, le poème « héroïcomique » de Boileau) en cinq minutes tandis que lui aurait adoré faire un film épique de trois heures, si on lui avait donné l’autorisation. Sur ce que j’ai vu, je suis tenté d’y voir là le film d’aventures définitif de Moullet – autant qu’Une aventure de Billy the kid naviguait dans les eaux du western – bref c’est un peu son Indiana Jones à lui. La bouteille dans la casserole d’eau bouillante, ça marche mais le Coca n’est pas bon. Dans le congélateur ça fonctionne aussi mais ça fait des glaçons. Et finalement, après un essai avec une machine improbable – Je me demande si Moullet, finalement, n’est pas l’héritier de Charley Bowers – et nombreuses tentatives découvertes qu’il faut un élan et un excellent coup de poignet, puis réussites à la chaine, Moullet montre qu’il peut ouvrir trois bouteilles en même temps. L’aventurier a gagné. Happy end.