un voyage gothique troublant, où le souvenir est au cœur

Joanna Hogg nous avait éblouis avec "The Souvenir: Part 1 & 2" et elle revient une nouvelle fois pour nous parler de la place du souvenir, mais cette fois-ci par le prisme du fantastique. Une mère et sa fille partent en voyage dans un hôtel qui étiat la maison d'enfance de ladite matriarche. Au détour d'apparitions fantomatiques et d'évocations de moments de vie passée, les lignes vont se troubler. Est-ce une expérience sombre et captivante ou une hallucination décevante ?


"The Eternal Daughter" est une œuvre troublante sur l'acceptation du deuil sous la forme d'un voyage gothique et onirique. D'une magnifique maîtrise visuelle et portée par une Tilda Swinton époustouflante, le métrage nous touche, nous hante !


Visuellement, le métrage s'impose dès son introduction où l'on pénètre dans cette brume qui ne nous quittera jamais, et qui pose très clairement sa note d'intention à travers certaines références : le film va nous parler de souvenirs, de fantômes. Que cela soit par cette ouverture assez Hitchcockienne, un discret Rosebud nous faisant penser à un certains Orson Welles... La caméra nous prépare à ce que nous allons vivre, pour ensuite nous emporter dans une expérience visuelle et auditive.


Car si la mise en scène nous plonge dans ce manoir qui va refléter l'état intérieur de notre personnage principal. Entourée par cette brume épaisse, installant un certain onirisme à chaque scène, et où va venir se mêler des apparitions spectrales qui vont venir troubler Julie. Ces mêmes fantômes qui seront plus habilement mis en scène, notamment au détour de champ-contrechamps qui n'ont que pour but de mieux troubler les frontières du réel et nous plonger dans le douloureux voyage que doit effectuer Julie : accepter le décès de sa mère.


Car le film vient poser ici le sujet du deuil, mais aussi de l'héritage familial. Où Julie souhaite réaliser un film sur sa mère, et où des échanges sur le passé trouble et mystérieux de la mère vont venir se parsemer ici et là, mais n'aurons que pour effet de mettre en lumière le mystère autour de la mère et la culpabilité de la fille. Un habile détour qui nous encre encore un peu plus dans cette histoire de fantôme et de famille.


Car au final, la réalisatrice pose avant tout le sujet du deuil (sujet très personnel où Joanna Hogg s'identifie clairement au personnage de Julie). Où le personnage de Julie sera dans un flottement quasi-constant, vagabondant dans cet hôtel aux mille bruits évoquant des figures du passée errant dans l'esprit du personnage principal. Et que ce soit par la narration comme la mise en scène, le métrage arrive parfaitement à nous mettre dans la peau d'un personnage frappé par le deuil, un parti-pris efficace, mais qui peut laisser une partie des spectateurs de marbre malgré tout.


Mais par le prisme de la mort, et en choisissant le registre du fantastique (très référencé ici) , le film nous plonge dans un voyage vertigineux. Avec une Tilda Swinton magistrale, interprétant la fille ET la mère. Renforçant encore davantage le propos du film, et permettant à l'actrice de se laisser à un exercice particulièrement réussi !


En conclusion, "The Eternal Daughter" est une troublante histoire de fantôme, nous racontant avec délicatesse le deuil. D'un style définitivement gothique, le film en gardera l'épure plutôt que le clinquant, et on l'en remercie. Une histoire qui saura toucher ceux qui ont vécu ce moment de vie.

Julien_Levallois
8

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Créée

le 26 mars 2023

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