Au pays des muets, les aveugles sont sourds (Louis Scuténaire)
Axiome de départ : si vous n'aimez pas Edith Piaf, passez votre chemin : ce film n'est pas fait pour vous... Vous serez soûlés de rengaines d’avant-guerre style 78 tours à aiguilles... Bonne cuite.
Premier film des 10 films de Marcel Blistène (1911-1991) qui mise à fond sur la notoriété de la chanteuse pour remplir cette histoire et la rappeler au bon souvenir des "z"auditeurs...
Après 1958, il abandonnera le cinéma sans laisser d’œuvre notoire, pour passer à l'ennemi : la déesse télévision, ...
Edith Piaf , reconnaissons-le, fut l'une des rares à résister à la lame de fond yéyé qui noya la plupart des chanteurs et crooners d'avant-guerre... Elle eut même les honneurs du hit-parade et des juke-box avec un "tube" à succès : "Non, rien de rien" sur une musique de Charles Dumont et des paroles de Michel Vaucaire... Chant du cygle...
De tout temps, les progrès techniques ont permis à l'audiovisuel de progresser, et c'est précisément le thème de ce film : un directeur de cinéma pavoise en effet en annonçant à ses spectateurs et clients que l'avènement du cinéma parlanttouchera sa salle... Le bonheur d'aucuns faisant le malheur d'autres, la pianiste qui assurait jusqu'alors tant bien que mal "l'illustration musicale" des films jusqu'alors est la seule à se lamenter "Et moi, qu'est-ce que je deviens ?" tout comme Stella, star de la pellicule du muet à la voix de crécelle qui se demande ce qu'elle va devenir et qui songe même à se suicider...
Jusqu'à ce que son imprésario la fasse doubler par une interprète à la voix divine et qui elle, œuvre dans la coulisse... Ainsi naît ce qu'on appelle désormais le "play-back" où le vrai chanteur simule le mouvement des lèvres d'une bande enregistrée. Au tout début, le procédé devait rester secret... Plus tard, la SACEM exigea que les chanteurs usant de ce procédé ne se montrent pas avec un micro à la main...
Ici, la chanteuse de l'ombre ambitionne de surpasser la star qu'elle vient épauler, mais imitatrice et modèle authentique vont finir par se détester...
Ce film se laisse voir un peu comme quand on visite le musée Grévin... Il sent la naphtaline...
Je vous livre une partie de la critique de Libération du 3 janvier 1986, qui résume à merveille ce que j'en pense et assume à mon compte :
"Piaf joue comme un pied, Montand et Reggiani à peine mieux (un comble), sans compter que la vedette censée avoir une voix de crécelle cause parfaitement normalement, ce qui est ballot vu que c'est l'argument du film (...) Regardez ça avec votre mémé, elle sera contente"...
On reconnaît à peine Montand "tout jeune :c'est son premier rôle et il avait été imposé par Piaf qui en était tombé amoureuse... C'était une découvreuse de talents...
Cela dit, c'est "le" film de Mila Parély (1917-2012) dont peu se souviennent, mais qui ,a la belle époque, a tourné plus d'une quarantaine de films sans parler du théâtre, son lieu de prédilection. L'année où sortit celui, ci, trois autres avec elle étaient à l'affiche.. On lui attribuait souvent des rôles de femmes fatales et en 1941, elle tomba amoureuse de Jean Marais dont elle resta en relation après leur idylle et malgré l'homosexualité de l'acteur... Elle tint même un moment son magasin parisien où il vendait un temps ses poteries... La carrière de la comédienne cessa en 1953. La génération montante poussait dehors ces actrices du muet...
Ce film tourné à la hâte au lendemain de la seconde guerre mondiale dans les studios Pathé de la rue Francœur, bénéficiait d'un excellent titre propice à attirer le spectateur, certes peu exigeant à cette époque où la vie revenait, mais il est vrai que le casting n'est pas bien terrible, et les trucages affligeants...
La fin est évanescente et on sent que les 85 minutes sont difficiles à meubler...
Une autre époque...
TV5 Monde le 02.10.2023- 16.10.2023-