Jérôme Clément-Wilz nous entraîne au cœur d’un milieu absolument inconnu du grand public, il nous fait découvrir une pratique peu commune et déroutante, celle du « pony-play ».
Qu’est-ce que le « pony play » ? C’est avant tout un fétichisme, un jeu de rôle, de domination et de soumission entre un dresseur et un dressé (harnaché comme un cheval). Le ou la dominé(e) se retrouve avec tout l’attirail qui normalement équipe les chevaux, à savoir des œillères, une bride (la pièce en métal qui se trouve dans la bouche, fixé au harnais pour diriger le cheval), une crinière & une queue, des "pony boots" (sortes d’escarpins lestés de 5kg chacun, ayant la forme de sabot) à la fois aux pieds et aux mains et enfin, une combinaison en latex de la tête au pied.
Le réalisateur suit le parcourt de Karen Chessman, transgenre de 50ans et professeur à la retraite, qui souhaite devenir… cheval ! Une pratique bien que méconnu du public, connait des milliers d’adeptes à travers le monde. Le rendez-vous est pris dans un ranch en Floride, chez Foxy. Un taxidermiste, chasseur d’alligators et accessoirement, dresseur de « pony-player » (c’est comme cela qu’on les appelle). Karen va suivre un stage intensif pour ne faire plus qu’un avec le cheval, comme s’immiscer dans son espace mental, en s’identifiant à lui, en reproduisant ses faits et gestes, afin de devenir… cheval.
Un sujet qui pourrait prêter à sourire pour peu que vous soyez fermé d’esprit, alors qu’il n’en est rien. Jérôme Clément-Wilz réalise ici un très beau documentaire, un voyage à la découverte, celui d’un jeu de rôles érotiques qui se transforme en une initiation mystique, voir poétique. On suit pas à pas le dressage puis la transformation de Karen au fil des jours (on l’entend même pousser de petits hennissements). Le dressage se veut intense, Foxy l’avait mise en garde, il ne serait pas tendre avec elle. Karen souffre, est totalement désorientée (avec les œillères, quand elle n’a tout simplement pas les yeux bandés). Le personnage de Karen (qui est père d’une adolescente) est touchant. Elle se livre à travers quelques monologues, on y découvre une âme révoltée & écorchée à la recherche d’une renaissance (peut-être celle-là ?). Comme elle l’explique, selon elle, c’est le monde dans lequel on vit qui va mal, c’est nous, qui subissons et non elle.
« J’ai jamais voulu grandir dans une société de merde comme ça, dans
un monde pourri comme ça, jamais. Quand j’étais tout petit j’imaginais
ça autrement. Regarde la vie des adultes, la vie des gens, tout le
monde accepte cette vie. Une vie d’obéissance, de soumission, etc.
C’est incroyable quoi. Le vrai SM, c’est la vie quotidienne des gens,
c’est leurs souffrances, obéir au patron, obéir à des enculés, etc,
etc. Ne pas avoir de fric, aller mendier, c’est ça le SM. »
Telle une expérience chamanique, on suit grâce au réalisateur le processus de transformation, magnifié par une musique baroque et une mise en scène soignée (et absolument tape à l’œil). Il dresse un portrait intime et touchant, tout en levant le voile sur une pratique aussi mystérieuse que ses adeptes.
Malgré une unique diffusion au beau milieu de la nuit sur France 4 et une tournée dans bon nombre de festivals, il est regrettable de constater que ce film soit resté jusqu’à ce jour, dans l’ombre, caché de tous et n’ayant pas bénéficié d’une exploitation en salles ou en VOD.
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