Eurocrime est un documentaire de Mike Malloy qui revient sur la vague des films policiers italien des années 70 jusqu'au début des années 80. Comme souvent dans ce type de documentaire qui embrasse tout un pan de la pop culture, le film sera tout aussi passionnant que parfois frustrant sur certains points.
Divisé en plusieurs chapitres le documentaire va revenir sur la genèse du genre, les artisans emblématique qui l'on fait fait vivre, les principales composantes du genre de son âge d'or jusqu'à son déclin en passant par sa tentative d'exportation vers le marché américain. Eurocrime propose globalement un tour d'horizon sans doute incomplet mais qui permet tout de même, surtout aux néophytes, de dessiner les contours et les grandes lignes du genre. Le polar italien âpre et urbain plus communément appelé poliziotteschi ou polizieschi va naître lorsque le western spaghetti va commencer à amorcer son franc déclin dans les salles transalpines. S'inspirant dans un premier temps des polars américains type Dirty Harry ou French Copnnection qu'il copie parfois assez honteusement, le cinéma policier italien va pourtant assez vite trouver sa propre identité. Comme c'est souvent le cas dans le cinéma italien, il suffira d'un succès pour connaître ensuite une multitude de films secondaires à la qualité relative et fluctuante venant abreuver les plus de 10 000 cinémas de l'époque en Italie. Une des nombreuses caractéristiques film policier italien reste leurs tournages avec peu de moyens sur un rythme de production frénétique obligeant souvent des réalisateurs à des tournages sans autorisations, des cascades peu préparées faites par les comédiens eux même et des films le plus souvent redoublés en post production faute de prise de son directe et correcte sur les tournages. Il n'était même pas rare que des acteurs se contentent de compter de 1 à 100 pour bouger les lèvres laissant ensuite aux doubleurs le soin de leur mettre des dialogues en bouche. Le film explore aussi certaines constantes de genre comme leur grande violence graphique, une mince frontière entre flics et voyous et une profonde misogynie avec des personnages féminins systématiquement frappées, dénudées et violées ; ce machisme se ressent d'ailleurs encore jusque dans les interviews de quelques intervenants du documentaire. Le polar italien osait souvent tout pour le pire comme pour le meilleur. Eurocrime explore aussi un aspect vraiment passionnant en rapprochant l'essor du polar italien avec l'ambiance politique et criminel de l'époque larvée par une grande insécurité, le pouvoir grandissant de la mafia, les actes terroristes des brigades rouges et la corruption politique du pays. Le film parvient à dresser un parallèle entre l'ambiance suffocante de l'époque (les années de plomb) et ce cinéma paradoxalement très populaire dans lequel les spectateurs venaient de divertir en regardant sur grand écran ce qu'ils vivaient parfois mal au quotidien. Inspiré par le cinéma américain, le polar italien tentera en vain de s'exporter vers les États Unis avec quelques tournages locaux mais surtout des films dont on américanisait le titre, les noms des réalisateurs et acteurs et l'affiche jusqu'à certaine aberration en tentant par exemple de faire passer un film de gangsters pour un film d'horreur. Le polar italien finira par décliner lui aussi lorsque le genre va dériver vers la comédie et la parodie notamment avec les films mettant en vedette Thomas Milian ou Terence Hill et Bud Spencer. C'est aussi la profusion de films finissant par tous se ressembler (le documentaire montre trois films reprenant exactement plans pour plans la même cascade) couplé avec l'essor de la télévision et de la VHS qui finira par lentement mais sûrement faire disparaître ce type de production.
Si Eurocrime est souvent très intéressant et bourré d'anecdotes on pourra aussi lui reprocher de ne jamais réussir à mettre en exergue les films les plus importants du genre, tous les titres se retrouvant noyés dans un enchaînement un peu anarchique d'extraits, d'affiche et de références. L'intérêt de ce type de film documentaire est souvent de pouvoir parfaire sa cinéphilie en donnant envie de découvrir tel ou tel film ce qui est ici quasiment impossible, tout étant mis sur un même niveau sans hiérarchisation et de manière un peu trop chaotique. Les films se retrouvent parfois cités de manière très brève juste pour illustrer une des thématiques et l'on a ainsi la sensation qu'un film de Fernando Di Leo a exactement la même importance que n'importe quel film mineur tourné à l'arrache sans la moindre imagination. La partie qui évoque l'influence et l'héritage du genre est également très décevante puisque elle n'essaie jamais de réellement nous montrer des réalisateurs ou des films plus contemporains s'inscrivant dans la culture et les références propres aux poliziotteschi. Même si les intervenants sont assez nombreux et intéressants avec Fabio Testi, John Saxon, Henry Silva, Luc Meranda, Fred Williamson, Enzo G Castellari ou Antonio Sabatto (qui fait l'interview en mini short et haut couleur rose Barbie) on regrettera aussi l'absence de prestigieux réalisateurs (quitte bien sûr à utiliser des images d'archives) ou de regards extérieurs et analytiques sur le genre. Et puis, pour revenir à ce que je disais plus haut, il manque un traitement de référence des incontournables du genre qui viendrait mettre en exergue les titres de films qui d'une manière ou d'une autre auront profondément marqués le genre.
Eurocrime ! The Italian Cop and Gangster Films That Ruled the '70s reste un documentaire de référence pour qui voudrait se plonger dans le genre, le film de Mike Malloy donne envie d'explorer le genre à défaut de donner le mode d'emplois pour bien commencer et découvrir les films incontournables du genre. A près tout c'est peut être une bonne chose de susciter la curiosité puis de laisser aux spectateurs le loisir d'aller piocher au hasard entre le pire et le meilleur.