Un poème sans mots

Les images en disent bien plus que les mots. Et c’est ce que nous prouve Europa.

Un jeune migrant irakien se retrouve en Bulgarie, traqué par les autorités. D’autres migrants semblent traverser la même épreuve, mais lui est seul, face à lui-même. Le spectateur suit ses moindres faits et gestes, dans un court lapse de temps.

La réalisation de Europa est époustouflante. Tout au long du récit, nous suivons le jeune homme. Comme dit plus haut, la technique fait la beauté du film et non les dialogues puisqu’il n’y en a quasiment pas. Nous le voyons presque qu’en gros plans. Cela provoque une frustration chez le spectateur puisqu’il ne voit pas le danger autour de lui, exactement comme le personnage. Ces plans serrés symbolisent l’étouffement, la tension. Jusqu’à la fin, il n’y a pas une minute durant laquelle on ne serre pas les dents. Dans certains plans, une lentille « fish-eye » est utilisée. Cela représente selon moi une légère folie qui commence à s’installer (j’imagine qu’après plusieurs courses poursuites et la faim qui s’installe il n’a plus toute sa tête).

Quant au son (nous étions d’ailleurs dans le cinéma Star Saint-Exupéry dans lequel les salles ont un son de très bonne qualité), il est très bien travaillé et a une grande symbolique. Tout au long nous entendons le personnage respirer, voire haleter. Ce son oppresse encore une fois le spectateur, sentiment partagé par le personnage. Cette respiration symbolise également la vie, parce que si un être vivant respire, il est vivant. Cependant cette respiration est rapide et s’accélère parfois. Un des seuls longs moments où on ne l’entend plus respirer c’est à la fin, lorsqu’il est dans la barque. Plus de respiration, plus de vie, donc la mort. C’est une fin ouverte, mais pour moi le personnage est décédé. Pour cette première raison, mais également parce qu’au début il y a un gros plan sur son visage endormi et ses yeux qui bougent sous ses paupières. A la fin, ses yeux sont fermés, mais ils ne bougent plus, il est mort.

Par ailleurs, l’eau est un élément très important du film. Le bruit de l’eau est omniprésent. La majorité des séquences se déroulent au bord d’une rivière et le film se termine en plein milieu d’un lac. L’eau symbolise la vie, la purification et la sérénité. De plus, l’eau est le miroir de l’âme. Lorsque le personnage est en danger permanent, l’eau coule à flots, elle circule, elle est en mouvement. Sauf à la fin, lorsque le personnage meurt sur le lac, son âme redevient tranquille, il retrouve la paix et parce que comme je l’ai dit plus haut, l’eau symbolise la sérénité.

L’eau est aussi un lieu de mort, on le voit dans deux scènes : évidemment dans la dernière scène sur le lac, mais aussi lorsque le personnage tue un mercenaire dans l’eau.

L’eau représente aussi le temps qui passe, exactement comme dans un célèbre poème de Apollinaire Le Pont Mirabeau qui débute par « Sous le pont Mirabeau coule la Seine », symbole du temps qui passe. Les plans sont longs, ce qui participe au temps qui s’étire (cela rajoute aussi de la tension).

C’est un film qui dénonce les autorités, qui raconte sans paroles et qui montre en poésie.

Europa est un film à voir tout simplement.