Europe 51 (1953)
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Si le Christ était né et avait vécu au cours de notre ère, il est fort à parier qu'on l'aurait interné en asile psychiatrique, si ce n'est condamné à mort là où la loi le permet, de même qu'on brûlait les illuminés sur le bûcher il y a à peine quelques siècles.
Le même peuple déicide, les Romains, renouvelle son acte dans Europe 51, en condamnant Irene, figure absolue du Bien, à la disgrâce. Son chemin de croix a été bien long toutefois et a connu un renversement radical - non sans rappeler la trajectoire spirituelle de Saint Augustin, que Rossellini affectionne particulièrement. En effet, comment a-t-elle pu passer du statut de «femme de», mondaine, superficielle et égoïste à celui de femme bienveillante se rapprochant de la sainteté en se sacrifiant pour les plus démunis au détriment de soi-même et des siens? Un événement tragique l'y conduira, qui lui fera prendre conscience de l'Autre, du Bien, de soi en découvrant le pouvoir qu'elle détient de répandre le bien aux autres.
Rossellini démontre ici pourquoi il est un des plus grands cinéastes de l'histoire du cinéma. Tout d'abord la force émotionnelle qu'émane de ce film est considérable, sans jamais verser dans le pathétique toutefois malgré la tragédie qu'il couve: priment bien sûr les sentiments d'injustice, de révolte contre l'ordre établi (représenté par le mari, son avocat veillant à garder une image intacte de la famille et ne pas affecter les affaires) mais aussi d'admiration envers cette Irene pleine de miséricorde magistralement interprétée par une Ingrid Bergman dont le seul regard pourrait presque faire remarcher un boiteux ou redonner vie à un mourant. Ensuite, la réflexion posée sur notre société capitaliste où le gain et l'individu sont devenus le veau d'or au profit de valeurs humaines essentielles et vitales élève le sujet sans pourtant le politiser ni l'orienter religieusement, mais en se limitant à la pureté du geste de don de soi. D'ailleurs certaines scènes donnent lieu à des répliques magnifiquement bien écrites, d'une grande valeur littéraire, poétique et philosophique. Enfin, la construction en dialectique du récit, avec ce retournement de situation inespéré où opère le miracle de l'humanité est un modèle; le spectateur est entraîné dans cette élévation morale inexorable du personnage (la mise en scène de l'horizontalité et de la verticalité mériterait presque un article à part tant elle est hautement symbolique et productrice de sens, omniprésente de la première à la dernière scène) dont il ne veut jamais croire à la fin; la trajectoire de cette femme ordinaire se vouant saintement à l'autre prend une orientation intrigante et captivante dont on ne peut imaginer le dénouement.
Un très grand film, réalisé par un cinéaste non moins important.
Créée
le 4 avr. 2020
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