Parenthèse estivale, Eva en aout a tout du parfait parcours de déconfinement partiel : soit la visite de sa propre ville par une madrilène qui reste, alors que les autres partent, dans la torpeur aoûtienne, sans programme autre qu’une liberté improvisée.
Le rythme alangui porte dans sa chair ce farniente contemplatif qui saisit au vol les instants ou les rencontres. Délicatesse, finesse dans l’interprétation, aucune dissonance dans cet ensemble qui porte avec cohérence et talent un projet bien défini.
La structure relâchée se trouve donc justifiée a priori. Eva se ballade, observe, interpelle, flirte, passe d’un groupe à l’autre et capture ce que la rue a à offrir, lorsqu’elle ne se consacre pas simplement à elle par la lecture, la vaporisation des plantes ou l’observation des étoiles. On retrouve une ambiance très Nouvelle Vague qui peut autant séduire par sa liberté qu’elle peut ennuyer par son absence revendiquée de but, voire de propos. Les discussions, spontanées et naturelles, construisent ainsi un panel de portraits (l’ex, le flirt, la copine devenue mère et perdue de vue, l’artiste contemporaine lesbienne, le mélancolique…) sans jamais tomber dans la caricature, attendu que la permissivité du moment permet tous les revirements.
Il faut donc prendre le train et son parcours atypique, lent et multipliant les stations, au risque de sombrer par instant dans une neurasthénie qui mime à la perfection la canicule figurée à l’écran.
Mais le film est sauvé de l’indifférence totale par ses petits décrochages concentrés dans le portrait lacunaire de la protagoniste, qui fait parler les autres sans véritablement se livrer. En transition (d’appartement, de lieu de vie, amoureuse…), Eva s’ouvre à ceux qui semblent avoir un chemin, se désaltère, sourit et s’émeut, laissant par instant entrevoir de petits gouffres : des larmes aux yeux, les incursions d’une voix off, un questionnement (« devenir une vraie personne. Comment devient-on qui on est ? Vraiment ? » qui teintent la ballade d’une épaisseur plus existentielle.
S’en suit une direction assez déconcertante qu’on se gardera de dévoiler ici, mais que le titre original annonce pourtant à demi-mot. Les débats ne paraissent finalement pas si vains et éphémères que cela, touchant, à la périphérie, une question essentielle qui ferait passer la jeune fille à un nouveau stade de son existence : celle ou son insouciance de jeune adulte irait à la rencontre de l’autre, et à la construction d’un lien nouveau faisant d’elle autre femme.
(6.5/10)