Evolution est un petit film assez intriguant qui s'ouvre avec une idée curieuse : un générique respectueux de l'image qui écrit le texte en tout petit pour laisser tout le cadre au joli plan. Idée intéressante, et comme le plan ne change pas et dure une minute, on passe très vite son temps à tenter de déchiffrer le générique écrit en tout petit dans un coin de l'écran. Un petit point qui illustre déjà l'aspect travaillé à l'excès du film, qui tente de maniérer ses effets en étirant sa substance.


Car Evolution est très esthétique et aime cultiver les beaux plans. Les décors sous marins, toute l'esthétique autour de l'eau (en mer, dans des récipients ou suintant sur les murs), le cadre insulaire aussi dépouillé que propice à créer une ambiance. Et régulièrement, des plans longs dont la narration pourrait très bien se passer (un dialogue avec des pauses longues et des plans qui ne coupent pas, un enterrement de langouste à l'utilité discutable...) et la thématique de l'initiation amoureuse et sexuelle (avec des enfants) qui ne me semble pas vraiment avoir sa place ici (elle est à peine abordée, par la découverte du corps d'une des infirmière, d'un massage cardiaque et d'un ballet sous marin assez explicite, mais qui ne signifie pas grand chose, c'est comme It follows qui a l'air de parler de sexualité alors qu'il ne dit rien d'explicite et de concret).


Toutefois, Evolution assume très vite une direction politique dans sa trame. Et j'insiste sur cette direction, car si tous les éléments sont implicites, ils aboutissement tous à une impression globale claire. Nous sommes ici devant un film anti-FEMEN. J'entends par là que le film est une extrapolation malsaine des déviances du féminisme extrémiste tel qu'on le connaît (je pense aux revendications qui rejettent la maternité féminine comme souffrance inutile, les atours typiquement féminins, la Femme qui dispose de son être comme elle le veux et sans tenir compte du monde extérieur à elle et des Hommes) qui dégénère. Tout tend à aller dans cette direction et à envenimer l'impression de contre-nature qui se profile dans l'oeuvre. Je pensais tout d'abord à un remake de Body Snatchers aquatique, mais la piste politique a clairement finie par l'emporter.


Ainsi, aucun homme n'est présent dans le film (seulement des enfants tous masculins), les femmes suivent des rites et vivent entre elles, elles pratiquent la contre nature à tous les niveau (accouchement par césarienne obligatoire, gestation des enfants par les hommes dans un procédé qui les met à mort...), elles ont toutes une origine non déterminée (aquatique) et se comportent comme un clan ou une espèce à part entière (d'où l'abandon final, l'amour ne primant pas sur le communautarisme d'espèce, ou la scène d'orgie saphique)


. Et le film capte tout le temps le malsain de la situation, s'attarde sur l'agonie des enfants, filme un allaitement contre nature comme une scène d'horreur nauséeuse... Ce film applique à la lettre les règles du fantastique à l'ancienne qui se sert de son symbolisme pour traiter d'une angoisse sous un angle instinctif. C'est suffisamment jusqu'auboutiste pour capter l'attention et délivrer un ressenti inhabituel et pour le coup catégoriquement engagé, à une heure où l'avortement tient toujours une belle place dans les débats éthiques (malgré l'avis favorable dans la population) et que la PMA et la GPA sont clairement en discussion, pour les couples stériles comme ceux qui désirent simplement être parents. Ici, nous avons donc des entités féminines froides qui s'auto-préservent et perpétuent le rite de la maternité sans qu'il n'y ait plus de lien de sang ou affectif Le postulat est angoissé, le rejet d'une gestation non naturelle manifeste. C'est cette posture intègre et assumée qui porte le film et lui donne sa saveur particulière, bien aidé par la facture visuelle admirable et sa structure un peu mystique qui pervertit une prise de conscience et un milieu enfantin confronté à une horreur médicale fort inhabituelle. Les autres symboles font un peu tapisserie (l'étoile de mer et sa régénération, la belle rousse...), l'essence du film est là et contient assez de souffre et d'intensité pour marquer. La prise de position entraînera peut être un débat (à condition que le film soit disponible, ce qui est encore loin d'être le cas). Mais en l'état, Evolution est un petit film de genre bien calibré question ambiance, un peu trop conscient de ses qualités qui sont parfois diluées avec des plans rallongés, des détails futiles ou un dernier quart d'heure un peu plombant, l'expérimentation aquatique rallongeant la sauce plus qu'elle ne l'épaissit.

Voracinéphile
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le 25 mai 2016

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