"Maman est une rescapée de la Shoah et toi, tu étais ici et tu baladais des filles sur ta moto". C'est quand j'ai entendu ce dialogue que je me suis dit qu'après un début plus que correct, Ewa n'allait pas marcher. Non seulement parce que je ne vois pas comment une fille peut dire une chose pareille à son père, mais aussi parce que littéralement deux secondes auparavant, la caméra vient de nous montrer très ostensiblement le tatouage de rescapée d'Auschwitz sur l'avant-bras de l'intéressée.
De fait, tous les défauts du film de Haim Tabakman sont contenus dans cet instant : un mauvais timing et une absence... d'humanité, tout simplement confondante. Le point de départ est alléchant : un mari dévoué à son épouse découvre qu'elle mène une double vie, liée à son expérience dans les camps. Comme le souligne le dialogue plus haut-cité, elle est une juive polonaise, lui est né en Terre Sainte. Assistera-t-on à une réflexion sur la difficulté à réconcilier ces deux facettes du peuple élu ? Las. Tout cela est traité sans subtilité ni surprise.
Ewa est bien filmé, plutôt bien joué, mais dénué de toute chaleur. Le réalisateur joue la carte des non-dits ; pourquoi pas, mais encore faut-il que les silences véhiculent quelque chose, ce qui n'est ici pas le cas. Je ne blâme pas les trois acteurs principaux, ils ont de la présence, mais le script n'a rien à leur offrir. Les actions des protagonistes, ou plutôt leur inertie, ne semblent répondre à aucune logique, si ce n'est le désir de les placer dans un face-à-face taiseux, qui se voudrait pudique mais n'aboutit qu'à l'ennui.
Co-production israélo-polonaise réalisée juste avant la crise diplomatique entre les deux pays, Ewa laissait, bien malgré lui, augurer cette dernière : on ne se parle pas beaucoup, et quand on le fait, c'est pour traiter sans le moindre doigté des sujets qui fâchent, quitte à se hurler dessus aux moments les moins opportuns. Un côté "méta" dont on se serait bien passé...