Il y a quelques temps, je vous parlais de Jurassic Revival, un film de monstres chinois plutôt fun et rythmé qui m’avait bien plu. Du coup, je me suis dit que j’allais fouiller dans la filmographie de son metteur en scène Zhao Cong, un réalisateur prolifique dans le petit milieu du DTV chinois puisqu’il a déjà enquillé 14 films depuis 2015. Mon choix s’est arrêté sur une production de 2022 intitulée Executioner’s Strange Talk. Pourquoi celle-là plutôt qu’une autre ? Ce que je peux dire c’est que c’est l’affiche du film a titillé ma curiosité et que la bande annonce l’a éveillé. Aussi parce qu’il y a au casting Billy Lau et Gabriel Wong, deux têtes connues des amateurs de cinéma de Hong Kong souvent pour leurs rôles de têtes à claques, et que ça fait plaisir de les revoir. Et puis parce que devant le peu de critiques anglaises ou françaises de ce genre de produit, il faut bien y aller un peu au feeling et que certains se dévouent pour voir si le film vaut le coup d’œil. Est-ce le cas ? Plutôt oui.


Executioner’s Strange Talk construit une histoire autour du thème pas si récurrent des exécutions publiques, transformant ici les gros bras sans cervelle avec une grande arme qui coupent des têtes à la chaine en figure de pouvoir et de mysticisme. Dans ce film, l’exécution publique n’est pas une simple décapitation mais un rituel complet avec ses propres règles et lois qui versent parfois dans l’occultisme et l’ésotérisme. On est quand même ici dans les codes de la ghost kung fu comedy, avec de la magie noire, des zombies, des fantômes, des rituels, des talismans, … Rien que le maitre accompagné de ses deux apprentis qui tentent d’apaiser un esprit maléfique semble être une référence directe au Mr Vampire de Ricky Lau. Cependant, conformément aux lois du cinéma de Chine Continentale, il n’y a pas de magie pure ici. Les zombies et les fantômes s’avèrent être des humains déguisés car il faut absolument qu’il y ait une explication à peu près rationnelle. Cependant, la sorcellerie un peu plus light semble être autorisé et donc on a par exemple droit à certains insectes qui, une fois rentrés à l’intérieur d’un corps, permettent de contrôler la victime, ou de l’encens qui, une fois inhalé, permet de rendre quelqu’un inerte. Espérons que cette limitation disparaisse un jour car il faut avouer que parfois, ces explications « par la science » font un peu forcées et dénaturent un peu le film. Et c’est d’autant plus dommage car le film a bénéficié d’un très bon travail de stylisation des fantômes et de leurs apparitions. On sent une réelle envie de proposer autre chose que les éternels vampires sauteurs et autres fantômes féminins sexys avec une ambiance ici parfois assez glauque (la maison du « couturier » de cadavres) même si, tout du moins dans la première moitié, on a tout un tas de scènes comiques plus ou moins réussies, parfois funs, parfois très enfantines (dans le mauvais sens du terme), et qui désamorcent un peu le côté sinistre de certaines scènes.


Un joli travail a été fait au niveau de l’esthétique où tout est fait pour donner un côté un peu sombre, presque terne, à l’ensemble. Les couleurs sont parfois saturées, délavées, et ça joue avec les éclairages. Les décors et les costumes sont très soignés et on est loin des DTV chinois d’il y a à peine 4 ou 5 ans qui faisaient très souvent assez téléfilms. Ici, ça a de la gueule et ça ressemble à un produit assez luxueux, bien que quelques CGI un peu ratés (mais au final pas si nombreux) viennent nous rappeler qu’on reste dans une petite production. De manière générale, c’est toute la mise en scène qui est travaillée. Le réalisateur sait ce qu’il fait avec la caméra, le montage est dynamique, et la bande son, qui a une place importante, est également de bon niveau. Les scènes d’action, bien qu’une fois de plus un peu trop hachées à cause d’un montage trop cut, sont néanmoins très sympathiques. C’est dynamique, bien filmé, avec des chorégraphies travaillées. Il faut vraiment que ce cinéma chinois s’inspire, en termes de mise en scène de l’action, de ce qu’il se faisait à Hong Kong. On notera également une très bonne interprétation du personnage principal, joué par Wang Jiu-Sheng (Five Elements Secret Arts, Tiger Soldiers), et de certains seconds rôles. « Certains » seulement car d’autres sont complètement à côté de la plaque, surjouant à mort comme s’ils croyaient que cela allait rendra leurs gags plus amusants. Dommage également que l’intrigue se perde un peu à mi-film car Executioner’s Strange Talk avait tout pour être une excellente série B bien fichue. En l’état, le film demeure un très sympathique divertissement, mais on ne peut que pester devant le potentiel un peu gâché.


En s’intéressant au monde des bourreaux dans le folklore chinois, Executioner’s Strange Talk détourne les codes de la ghost kung fu comedy pour un produit final certes encore un peu bancal mais éminemment sympathique.


Critique originale avec images et anecdotes : https://www.darksidereviews.com/film-executioners-strange-talk-de-zhao-cong-2022/

cherycok
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le 24 avr. 2023

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