Projeté hors compétition au Festival de Cannes 2016, Exil, du réalisateur franco-cambodgien Rithy Panh évoque une fois de plus, la tragédie qu’a engendrée la période du règne des khmers rouges au pays du sourire. Entre documentaire et fiction, le cinéaste use d’un artifice de mise en scène pour raconter le vécu de l’exil : une chambre noire, un personnage seul, pas de dialogues mais une voix off et des images d’archives qui défilent. Une mise en scène onirique et un habillage sonore essentiel si ce n’est vital. Le décorum dit ce que la voix-off de l’écrivain Christophe Bataille ne peut dire. L’écrivain conte les souffrances du jeune adolescent avec pudeur et poésie. Personnage qu’on ne peut s’empêcher de confondre avec le réalisateur. « L’exil est une feuille de papier vierge. La mort aussi. » souffle la voix-off, citant Mao Zedong. Tout le long du film, il y a ce va-et-vient entre les pensées de l’exilé et celles du dirigeant communiste, comme pour confronter les paroles révolutionnaires abstraites du Grand Timonier, à la réalité désastreuse que celles-ci ont entraîné. Avec Exil, l’essence du récit biographique de Rithy Panh semble atteinte. La solitude est mise en exergue. Dans S21, la machine de mort khmers rouges le cinéaste retranscrit le réel tragique de milliers de personnes par le geste et la parole, en réinvestissant le camp de la mort et en donnant la parole aux bourreaux pour essayer d’atteindre la vérité de l’indicible. Ici il se penche sur la douleur d’un homme seul. Lire la tragédie et l’injustice dans Si c’était un homme de Primo Lévi ou imaginer le pire face à l’exil de ce jeune homme, rend l’histoire singulière universelle. À travers son long métrage et ses métaphores, le cinéaste redevient cet insecte qui brûle et se consume. Il s’incarne dans cet enfant qui jamais « n’a chanté la révolution » et qui en a payé le prix, celui du déracinement.