Israël est né !
Le film raconte les événements qui ont précédé la fondation de l'Etat d'Israël en 1948, depuis l'odyssée du cargo Exodus jusqu'au vote de partage de la Palestine par l'ONU. Adapté du roman de Léon...
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le 10 août 2018
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Exodus s'inscrit dans ces grandes fresques historiques à la Cecil B. de Mille qui mêlent des destins singuliers et de grands mouvements de peuples qui s'affrontent. Des histoires d'amitié trahie, de mauvais choix, de lutte pour la liberté. Et le film a cette plasticité totale du cinéma des années 1950, qui ici jète ses derniers feux.
Le film est long : 3 h 18, sur lesquelles seule la 1e heure est consacrée au récit du cargo où se réfugie des immigrants juifs bloqués en rade de Chypre par l'armée britannique, avant que Londres plie et leur laisse le droit de partir en Palestine. J'étais étonné qu'il y ait une ellipse aussi rapide sur l'arrivée en Palestine : quasiment aucune péripétie concernant la traversée. On suit plusieurs personnages : Karen, une ado ashkénaze rescapée d'Auschwitz ; Kathryn Fremont, la veuve américaine d'un correspondant de guerre, qui se prend d'affection pour Karen ; Ari ben Canaan, un Sabra volontaire de la Haganah, qui organise l'évasion ; Dov, un jeune qui veut s'engager dans l'Irgoun (une branche sioniste jusqu'au-boutiste qui organise des attentats contre le protectorat palestinien).
Une fois en Palestine, on suit l'accueil de Karen dans le kibboutz de Gan Dafna ;
l'arrestation de Dov ; l'échec d'Ari à persuader son oncle, Akiva, de brider l'Irgoun ; l'organisation de l'évasion des sionistes détenus à la prison d'Acre ; l'accord de partage voté par l'ONU, à l'enthousiasme des Juifs ; la fin de l'entente avec les Arabes, qui suivent le discours belliqueux du grand mufti de Jerusalem. On finit sur des enterrements, et un discours d'Ari, à la fois pacifiste et guerrier. Bienvenue dans l'Orient compliqué.
C'est bien écrit, notamment toutes les scènes impliquant la petite Karen, qui représente la face claire du sionisme. Elle est introduite dans une scène incroyable où pour calmer Dov, qui refuse qu'on s'occupe de lui et porte clairement les stigmates post-traumatiques du rescapé d'Auschwitz, elle emprunte une béquille à un malade, s'en sert comme d'un pistolet mitrailleur et parle comme à un chien. C'était gonflé. ça pose bien le contexte post-Auschwitz.
Bon, il y a la question de Newman. Je trouve qu'il fait assez blanc-bec. "If you can't buy it, steal it" : une réplique comme celle-là doit être donnée sur un débit de mitraillette, tandis qu'il la délivre lentement, sereinement...
Voir Lee J. Cobb en général sioniste père de Newman, et globalement en figure positive, a quelque chose de troublant.
Reste la grande question : a-t-on affaire à un film américain ? Oui et non. Commençons par des considérations un peu générales. C'est une tarte à la crème de dire que les Américains sont un peuple sans histoire propre, à la différence des Juifs. Ils partagent cependant avec ces derniers une attitude commune, celle du nouveau départ, sans doute du fait de la tradition d'immigration des Juifs.
Pourtant l'identification avec ces Juifs n'est pas totale dans ce film, et c'est ce qu'il y a de bien. On les voit commettre des actes de terrorisme, répétant sans cesse que "La fin justifie les moyens". Et même l'idylle entre Eva Marie-Saint et Newman est douloureuse : Kathryn se sent souvent étrangère et Newman ne fait rien pour l'inclure, il n'a pas l'air non plus déchiré par ses sentiments (ce qui est original). La 2e partie insiste sur les divisions et l'irrationnalité des différentes factions, côté juif et un peu côté arabe, comme dans toutes les querelles de famille. On voit aussi au début du film l'antisémitisme rampant (en la personne du savoureux major Caldwell, proto-Francis Kuntz), mais il y a aussi de petites saynettes drôles comme le passage "mère juive" dans la famille d'Ari.
Surtout, le film a été tourné en extérieurs sur les lieux mêmes qui étaient décrits : Acre, Jérusalem. Le film vous inonde de panorama en technicolor et l'on retrouve le charme des ruelles empierrées de Jerusalem, la beauté de la vallée de Jezreel, et les images de combattants courant dans les rues fusil au poing, de colonnes de camions dépareillés sonnent juste.
Dans toutes les fresques historiques, c'est peut-être une de celle qui sonne le plus juste. On comprend bien les motivations de chacun. Bon, on n'évite pas le pathos (l'anecdote sur l'étoile jaune du Danemark est un peu trop belle), mais au moins au niveau moral ce n'est pas manichéen, ça montre les problèmes sans forcément arriver avec une réponse toute faite.
Exodus est un solide film historique, qui commence avec des accents bibliques, se poursuit sur le mode de la Grande évasion, puis revient à un film de guerre classique. Il me confirme dans l'opinion que vraiment, de tous les réalisateurs hollywoodiens de ces années-là, Preminger était clairement un des plus solides.
Créée
le 12 févr. 2017
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