Plaies intérieures
Après Cecil B. DeMille, c'est au tour de Ridley Scott de s'attaquer à la vie de Moïse et notamment la façon dont il a conduit les hébreux hors d'Égypte et, de sa jeunesse comme prince jusqu'à...
le 26 déc. 2014
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Fut un temps où Ridley Scott aurait pu me faire voir n'importe quoi, je l'aurais suivi au bout du monde. Malgré quelques accidents, j'avais toujours un a priori favorable vis à vis de Ridley.
Après son Robin de Bois assez pourri, par exemple, j'étais dubitative mais une erreur au compteur n'allait pas me faire changer d'avis et voilà que cet Exodus m'a fait regretter d'être allée au cinéma.
Etant donné que Ridley va enchainer avec un Prometheus que je voue au gémonies et un Alien Covenant qui ne vaut pas mieux, disons que Ridley et moi, on est plus vraiment potes.
C'est néanmoins cette adaptation du livre de l'Exode qui a finalement scellé le destin de notre relation.
Tant de n'importe quoi avait arraché les oeillères placées sur mes mirettes par Alien, le premier, la base en ce qui concerne Ridley. Disons qu'on ne peut pas être et avoir été. Et Ridley a été beaucoup et il n'est plus du tout du tout!
Ce film est, pour moi bien sûr, une véritable purge!
C'est ennuyeux (pour rester polie), mal monté, mal écrit, mal compris. Dire que rien ne va est lui reconnaître encore trop de qualités.
Voilà c'est dit!
Pourtant, côté scénario, j'étais optimiste. C'est une bonne histoire, riche en évènements, et une nouvelle vision était intéressante. Une vision plus réaliste et moins mystique? Je prends. Plaies = catastrophes naturelles, très bien. Ca évitait par la même occasion la vision moderne trop souvent maladroite de la religion et/ou de la foi.
Mais en fait non, le scénario se prend les pieds dans le tapis d'un mysticisme à deux francs et fait de Moïse un pauvre fou qui s'est cogné la tête et discute avec un gamin (qui n'est pas sans rappeler Damien de The Omen) limite psychopathe. Parle-t-il à Dieu ou bien a-t-il juste un traumatisme crânien? Nous ne saurons jamais mais ça diminue sérieusement la crédibilité de Moïse en tant que soit prophète soit leader politique.
Le film a le popotin entre 2 chaises : Ridley ne se décide pas entre le film religieux et le film politique.
Si c'est religieux, c'est mauvais car son incarnation de Dieu est beaucoup trop humaine. Il est où le buisson ardent? Hein? Quitte à avoir une conversation dans la tête de Moise, autant que ce soit avec un buisson plutôt qu'avec ce gamin qui fout la trouille!
Si c'est politique, son personnage d'opposant au régime totalitaire est mou. En effet, Moise semble plus subir que mener la révolte. Son enthousiasme à sauver "son peuple" fait plaisir à voir! Les arguments politiques bien que simples (l'esclavage c'est pas bien, on ne fouette pas les gens et d'autres tout aussi pertinents) sont ici totalement non gérés ou utilisés.
L'introduction du gamin rend en plus le dilemme moral de Moise face à la dernière plaie totalement bancal. Il s'oppose à ce qui est sensé être Dieu sur la mort des premiers nés d'Egypte. Ce n'est pas le passage le plus glorieux de l'Ancien Testament et ce n'est pas le pire non plus. Dieu est dur. Il n'apprendra le pardon qu'avec le Nouveau Testament. Un force toute puissante est censée expliquer la résignation de Moise même si son coeur souffre, nous dit la vision moderne, parce que de mémoire, ça ne le fait pas trop broncher dans le texte original, d'autant qu'en plus il est écrit que Dieu fait exprès de durcir le coeur de Pharaon pour pouvoir appliquer l'ultime punition et prouver sa toute puissance. On est d'accord, ça craint. De toute façon dans le cas présent, la discussion ne mène à rien et s'il est fou, il est donc impitoyable et sanguinaire lui aussi. Le popotin entre 2 chaises encore! Et d'ailleurs toute potentielle explication rationnelle de cette plaie est totalement évacuée. C'est bien dommage, jusque là, ça se tenait (d'autant plus dommage que des théories tout à fait valables existent quant à cette plaie dévastatrice et ciblée).
Mais ce n'est pas seulement le côté mystique/réaliste qui pêche. Loin de là. Après une première partie très mal montée en Egypte où les relations dans le palais de pharaon sont très flous, où Sigourney Weaver semble ne pas jouer dans le même film que les autres, où Moïse est accueillie tout naturellement parmi les siens sans question ni des uns ni des autres sous le nom de Moshe, parce que Moïse ça fait trop Egyptien certainement (c'est d'un factice ce choix de prononciation, c'est un détail mais ça m'énerve), où Ramsès est un gamin capricieux; après tout ça donc, Moïse s'enfuit dans le désert et finit par revenir, comme de juste (le déroulé des évènements est maintenu, c'est au moins ça). Et là, c'est tout autant n'importe quoi. Il entraine les esclaves aux techniques de guerilla pendant leur jours de congés! Ils ont des RTT les esclaves dans l'Egypte antique! Et encore, je veux bien admettre qu'ils aient un jour de repos, passons. Mais ils font exploser des temples! Avec quoi, on se le demande!
Les admonestations de Moïse sont faiblardes car elles ont le popotin entre 2 chaises! (Encore) Pas de foi et pas de certitudes. Rien qu'un gars à l'éloquence en berne.
En face de lui: le Pharaon Ramsès II le plus mou, le plus enfantin, le plus monolithique, le plus mort que j'ai vu! Et j'ai vu sa momie!
Joel Edgerton a un charisme d'huitre et de grands yeux bleus (assez vides). Mais passons sur son physique peu engageant pour un Egyptien. Il est mauvais! Il geint à longueur de bobines prouvant ainsi que ni lui ni Ridley n'ont compris qui était Ramsès dans cette histoire. Ce n'est pas un gamin geignard qui veut qu'on l'aime davantage, mais un homme ambitieux, certes jaloux, mais qui se donne les moyens de son succès. Il est un opposant et un ennemi valeureux face à Moïse et son Dieu. Ce n'est pas une chiffe molle qui fait des caprices dans ses écuries! Et encore, si c'était une relecture intéressante du personnage, mais non, il est juste faible pour que Moise n'ait pas à se fouler!
La seule scène que je lui concède est celle de la mort de son fils, qu'il aurait été un comble de rater tout de même!
Puisque nous en sommes aux acteurs, Christian Bale! Qu'est ce que fait Christian Bale dans ce film! C'est un acteur compétent même s'il n'est pas toujours très subtil. Il est ici d'une fadeur implacable. Totalement à côté de ses pompes. Il faut dire que ce qu'il a à jouer n'a ni queue ni tête et je peux comprendre qu'il n'ait rien compris à son personnage tel qu'il était écrit. Sa coiffure est d'un anachronisme achevé. Il ne lui manque que du gel pour faire tenir la mèche (c'est du pinaillage, mais moi, ça me gêne)
Comme dit plus haut, Sigourney Weaver est venue passer une journée sur le plateau histoire de profiter du buffet, sa scène est inutile et mal amenée en plus, et j'avoue qu'à part John Turturro qui s'en tire pas trop mal en Seti et Ben Kingsley qui pédale un peu dans la semoule mais à suffisamment de charisme pour ne pas être ridicule, tous les autres sont oubliables dans les grandes largeurs.
Qu'en est-il des scènes emblématique de l'histoire? Quand on s'attaque à une histoire pareille, à l'imagerie iconique, qui a même fait l'objet d'une adaptation animée, il faut travailler sa scène culte!
Ben disons que Ridley tombe à côté là aussi comme pour tout le reste.
Laisse partir mon peuple? Rien, que dalle!
Les plaies tirent leur épingle du jeu. Qu'elles soient mystiques ou naturelles, se sont tout de même des catastrophes qui peuvent donner lieu à des images fortes. Rien de mirobolant cependant.
Mais, l'IMAGE du livre de l'Exode, c'est l'ouverture de la Mer Rouge en 2. Comme la scène de la course de char est celle de Ben Hur.
Et disons que là, c'est un four assez total. Foin de grandiose, foin de bons effets spéciaux, foin d'épique, foin de tension dramatique. Alors certes, il faut trouver une explication rationnelle à l'ouverture de la mer en 2, on ne peut pas avoir 2 murs d'eau de chaque côté comme on le voit d'habitude mais cette marée mollassonne élimine tout tension dramatique. La scène fait plouf, ou pchiiit comme le reste, qui ressemble à un ballon un peu humide qui se dégonfle lentement.
J'ai revu le film récemment pour me refaire une idée et décidément non.
Ridley n'a pas compris son sujet. Les scénaristes sont aussi à côté de la plaque.
Le casting est à côté de la plaque et en conséquence, le film aussi.
Mysticisme de pacotille qui ne s'assume pas, personnages inutiles, grandeur grandiloquente à l'esbroufe, incompréhension de son sujet de base. L'Alien (dans Prometheus), Robin de Bois, Hannibal, Moise, Ramsès : je vois un schéma dangereux dans la filmo de Ridley et c'est tout particulièrement le cas quand il est tout seul à la manoeuvre.
Ridley tout seul ne fait pas du bon Ridley Scott. L'indépendance d'un réalisateur devenu producteur a été sa chute, je pense.
Je vais encore me faire des amis.
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Créée
le 20 juil. 2020
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