Bien qu’un nouveau film de Ridley Scott soit toujours un événement, il faut bien avouer que ces derniers temps, le Britannique s’est quelque peu embourbé dans les échecs critiques (Prometheus) et/ou commerciaux (Cartel), tout en passant par les œuvres oubliables du grand public (Mensonges d’État). La question se pose donc aujourd’hui : Ridley Scott, du haut de ses 77 ans, est-il un réalisateur qui puisse à nouveau proposer un nouveau long-métrage du même calibre qu’Alien, Thelma et Louise ou bien Gladiator (pour se rapprocher un peu plus du péplum) ? Exodus : Gods and Kings est donc sa dernière chance pour montrer qu’il est encore l’homme de la situation pour mettre sur pieds ses futurs projets (The Martian et Prometheus 2, ayant passé la main pour Blade Runner 2). Et ce film a de quoi donner de l’espoir, malgré un résultat pour le moins imparfait.

Ridley Scott a beau avoir une filmographie en dents de scie, il a toujours su montrer qu’il était fait pour le métier de réalisateur en livrant des films à l’esthétique hautement maîtrisé. Un sens du détail à la limite de la manie (pour ne pas dire la paranoïa) qui s’est confirmé avec des œuvres comme Alien, Blade Runner et surtout la plupart des films historiques de sa conception : 1492 : Christopher Colomb, Gladiator, Kingdom of Heaven, La Chute du Faucon Noir, American Gangster… Du grand spectacle hollywoodien qui nécessite forcément tout un lot d’accessoires, de décors, de maquillages et autres costumes pour donner un semblant de crédibilité pour que le spectateur soit plongé sans mal dans l’époque du long-métrage. Avec Exodus, le public était en droit d’attendre un tel divertissement, surtout avec un budget avoisinant les 140 millions de dollars. De ce côté-ci, Scott ne déçoit aucunement. Une fois de plus, le réalisateur s’est entouré des bonnes personnes pour dresser une Égypte tout bonnement impressionnante du point de vue visuel. Le film est un régal pour la rétine, proposant ce qu’il faut de détails en arrière-plan et de réalisme pour effacer toute trace qui aurait été nuisible à ce résultat.

Ne reste plus qu’à savoir si Exodus se présente comme le nouveau Gladiator ou bien un ersatz de Robin des Bois, film de genre du pauvre sur le plan spectaculaire. De ce point de vue, cette version de Moïse se range plus du côté du péplum romain. Bien qu’il l’avait déjà montré avec Prometheus malgré son scénario hautement bâclé, le Britannique prouve qu’il peut encore en mettre plein les yeux. Il suffit de voir le début du film, une simple bataille comme le cinéma hollywoodien en a déjà tant livré, mais suffisamment énergique et bien mise en scène pour capter l’attention. Après, Exodus ne sera qu’une pression qui ne va cesser d’augmenter au fur et à mesure que les personnages exposent leurs ambitions, pour déboucher sur les fameuses Plaies et la séquence de la Mer Rouge, servies par des effets spéciaux de toute beauté (dans un autre genre, 300 et Les Immortels peuvent aller se rhabiller). Le tout accompagné par les créations musicales d’Alberto Iglesias (compositeur attitré de Pedro Almodóvar), qui permettent de souligner le souffle épique qui se dégage de cet Exodus. Quant aux comédiens, ils font leur boulot avec savoir-faire, Christian Bale et Joel Edgerton en tête pour ne citer qu’eux. Divertissement à grande échelle garanti !

Le problème provient du fait que Ridley Scott n’est que réalisateur. C’est-à-dire qu’il ne fait que mettre en images les scripts qu’il reçoit entre les mains, bons ou mauvais. Ce qui explique pourquoi sa filmographie n’a pas si fière allure que ne laisse entendre sa renommée. Et malheureusement, avec Exodus, cette réputation continue de le suivre. Non pas que ce film soit aussi mal écrit que Prometheus ou incompréhensible que Cartel. Ici, les personnages sont bien écrits (notamment en ce qui concerne la relation fraternelle entre Moïse et Ramsès) et l’ensemble propose de bonnes idées qui, pour certains, frôleront sans aucun doute le blasphème (le but du film étant de donner une version différente et réaliste des faits). Non, ce qui gêne, c’est la même impression ressentie après le visionnage de Kingdom of Heaven : un long-métrage incomplet au possible. Exodus a une version longue qui sera disponible à sa sortie en vidéo, le montage de base fait plus de trois heures… peu importe, Exodus possède les mêmes défauts : un enchaînement de séquences sans aucun lien réel, haché par des ellipses de grandes ampleurs qui empêchent de mettre en avant la prestation des comédiens (surtout en ce qui concerne Sigourney Weaver, Ben Kingsley et Aaron Paul), le travail effectué sur les personnages (certains apparaissant/disparaissant comme bon leur semble) et les différentes idées scénaristiques suggérées. Du coup, difficile de retrouver toutes les thématiques émises par l’équipe du film lors de la promotion de ce dernier (comme le côté psychopathe de Moïse évoqué par Christian Bale) et de trouver un quelconque intérêt à tout cela, sauf d’en avoir pour son argent.

Exodus ne sera donc pas le film qui sonnera le retour de Ridley Scott dans le firmament des chefs-d’œuvre hollywoodiens. Néanmoins, le spectacle qui est offert aux spectateurs saura convaincre sur le savoir-faire encore intact de ce réalisateur. Exodus : Gods and Kings est le blockbuster qui saura clôturer l’année 2014 de manière grandiose (plus ou moins bien que Le Hobbit 3, selon les avis), et c’est déjà une bonne chose ! « À mon frère, Tony Scott » sont les premiers mots du générique de fin. L’hommage a bien plus d’envergure que Cartel, cela ne fait aucun doute.

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le 30 déc. 2014

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