Mettons les pieds dans le plat dès le début : je n'ai aucune connaissance dans les trois grandes religions monothéistes actuelles (je sais vaguement qu'un gars appelé Noé a construit un gros bateau pour y enfermer un couple de chaque espèce animale avant le déluge, qu'un type a marché sur l'eau en distribuant des pains et du pinard gratos avant d'être cloué sur une croix et que deux autres gus ont entendu un illustre inconnu leur chuchoter des trucs à l'oreille et qu'apparemment, le bazar a un peu pris derrière). Par contre, je m'y connais un peu plus en Egypte ancienne. Plus que M. Scott en tout cas.

Alors, j'ai vu Le Prince d'Egypte il y a fort fort longtemps (je me souviens surtout que ça chantait beaucoup trop, mais c'est à peu près tout), qui raconte peu ou prou la même histoire. Et sûrement mieux que dans ce film dans lequel ça chante beaucoup moins, mais où on serre les dents quand même.

Déjà, le film fait 2h31 et, même s'il fallait bien ça pour planter le décor et en faire des tartines sur Moïse afin de comprendre le pourquoi du comment ; sur la fin, on est quand même pressé qu'ils la traversent cette foutue Mer Rouge pour qu'on aille se coucher. Surtout que, à force de s'étendre encore et encore, Scott ne fait que rajouter des incohérences à d'autres incohérences, et ça n'aide pas à rester concentré sur ce qui se passe à l'écran.

Car oui, je ne sais pas si le réalisateur s'est un peu renseigné avant de créer cette œuvre mais force est de constater que son chien a dû manger son devoir et qu'il a griffonné ensuite un truc vite-fait sur le coin d'une nappe pour faire genre.

Parce que, autant je peux accepter la présence de Séthi 1er au début du film afin de présenter le début de la relation entre Ramsès II et Moïse, autant j'ai un peu de mal à le voir se faire enterrer dans un temple qui n'a pas été encore construit au moment de sa véritable mort. Car oui, dans ce film, Séthi 1er (père de Ramsès II, donc) est enterré dans le temple d'Abou Simbel... construit durant le règne de Ramsès II (donc après la mort de Séthi 1er... mais genre longtemps après). Là où ça devient encore plus rigolo, c'est qu'Abou Simbel n'est absolument pas un tombeau (Ramsès II a fait construire ce temple et celui d'à côté en son honneur et celui de sa femme principale, Nefertari, mais il n'y a rien dedans à part des colonnes et des bas-reliefs). Les pharaons et leurs grandes épouses étaient enterrés dans la Vallée des Rois et des Reines, loin dans le désert, afin d'être à l'abri des pillards (pas à deux pas du Nil, en accès libre à la populace). Donc en un seul plan, Ridley Scott a collé un arrêt cardiaque à tous les égyptologues amateurs et professionnels du monde.

Ensuite, Ramsès II qui perd son enfant, c'est ultra-méga triste, bouh ! quel monde cruel. Ouais, sauf que Ramsès II, il avait son petit harem et plus d'une centaine de gamins, en vérité. Donc, sans aller jusqu'à dire qu'il s'en tamponnait royalement, je pense que ça a dû lui en toucher une sans faire bouger l'autre. Surtout que bon, à l'époque, les gamins de cet âge-là, ça devait calancher facilement donc on ne devait pas y accorder tant d'importance que ça (encore à l'heure actuelle, il existe des populations sur Terre qui ne donne pas de prénom à leurs enfants tant qu'ils n'ont pas au moins atteint l'âge d'un an). Sauf que là, USA oblige, on présente un Ramsès II monogame avec un seul rejeton pour apporter du drame là où il n'a pas dû y en avoir.

Je passe sur les cavaliers qui ont des étriers, sur les augures à la romaine, sur la coiffure enfantine du scribe et sur les pendaisons publiques, pour appuyer sur le fait que toutes ces incohérences sont d'autant plus étranges que Scott s'attache, à côté de ça, à rationaliser tous les phénomènes bibliques qui ont frappé l'Egypte ou qui ont aidé Moïse et les siens à échapper au massacre (les eaux du Nil sont devenues rouges car les animaux qui y vivaient ont brutalement passé l'arme à gauche, sauf les grenouilles qui, pour trouver de l'eau pure, se sont toutes barrées dans les rues des villes côtières avant de crever à cause de la chaleur. Entrées en décomposition, elles ont permis l'apparition de centaines de millions d'asticots et donc de mouches vectrices de maladie, etc. Quant à Moïse et la Mer Rouge, eh bien, il a profité du tsunami de 16h30 pour passer tranquille alors que les Egyptiens sont arrivés un quart d'heure plus tard (et comme c'était les horaires d'été, ils se sont pris une demi-heure dans la vue)).

Et puis, problème de direction artistique ou de casting, mais entre ce Ramsès aussi pathétique que touchant, qui n'a pas trop l'air de savoir quoi faire de ses dix doigts, et ce Moïse qui semble n'en avoir absolument rien à secouer des Hébreux, ça rend tout de suite l'histoire beaucoup moins prenante. Moïse restant le personnage principal, le film penche davantage du côté hébraïque, mais sans complètement taper sur les Egyptiens non plus (à part un ou deux qui ont des réflexions déplacées (pour notre époque), les autres sont plutôt des victimes de la colère divine dans l'histoire). Ce qui aboutit à une œuvre qui a le cul entre deux chaises sans qu'on ne sache trop si c'est une volonté de la réalisation ou s'il y a eu un trou dans la raquette.

Bref, on est sur de l'ouvrage bâclé, qui ne sait pas où il va, avec un Christian Bale faisant le minimum syndical. A mon avis, si cette tranche de l'Histoire religieuse vous intéresse, Le Prince d'Egypte vous sera plus profitable.

NicodemusLily
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le 10 juin 2023

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