Le cinéma d'animation sud-coréen attire et plait à de nombreux cinéphile de par le mélange des genre qu'il propose, ainsi que dans sa radicalité avec laquelle il peut utiliser des codes antinomiques au sein d'une seule et même séquence. On pensera notamment à des films comme Parasite ou Snowpiercer de Bong Joon Ho, Sleep de Jason Yu sorti cette année, ou même à I saw the devil de Kim Jee-Woom dans un registre beaucoup plus noir, mais on parle très peu du cinéma d'animation. La faute à une industrie pas assez développer à côté du voisin japonais qui exporte des œuvres en animation par paquet de 100, mais mis à part quelques exceptions relevant plus du produit consensuel qu'une véritable œuvre marqué artistiquement, peu sont les artistes coréen à trouver une place en salle française. Il n'y a qu'en festival que l'on peut trouver des propositions pouvant montrer toute la singularité du cinéma d'animation coréen, dans sa noirceur et ses revendications, avec des œuvres comme Gakjil Persona de Moon Su-jin ou encore Beauty Water de Cho Kyung-Hoon. A ma connaissance, ce dernier (une adaptation de webtoon horrifique ayant passé une tête au Festival d'Annecy en sélection Contrechamp et au festival de Gérardmer durant l'édition numérique 2020) est l'un des seuls long métrage d'animation coréen que j'ai pu voir, et j'étais curieux d'en voir d'avantage. Il était alors évident que je n'allais pas louper l'occasion de découvrir Exorcism Chronicles: The Beginning à L’Étrange Festival2024 (précédemment diffusé au Festival d'Annecy en séance de minuit).


Le film sait se faire remarquer à travers une animation et une direction artistique très élégante, avec des graphismes proche du jeu vidéo, mais avec une épaisseur et une texture qui donne un poids et une vrai crédibilité à des scènes tournés avec très peu de moyen. On sent que le film a été tourné sans avoir le savoir faire que peuvent avoir les studios traditionnels et internationaux, mais cela n'empêche pas le réalisateur de trouver des solutions pour dépasser un certain aspect "cinématique jeux vidéoludique". Il n'est plus tant question d'inviter à une forme d'interaction avec un univers comme dans Flow de Gints Zilbalodis, mais de pouvoir créer des passerelles référentiel, à travers sa forme, avec différents jeux vidéos qui peuvent avoir des aspects cinématographiques. On pourra avoir des scènes pouvant rappeler les phases de QTE, mais aussi des références aux cinématiques de jeux vidéos qui, narrativement, symbolise un tournant important dans l'évolution d'une quête ou du développement d'un personnage. Je pense notamment aux phases de transformations qui rappellent celle que peuvent subir les personnages infestés par un virus dans la franchise Resident Evil, près du corps, mettant en scène de l'évolution anatomique du corps, et soulignant un rapport entre transformation et illusion d'acquisition de pouvoir par la force physique. A travers des choix de cadrage et une mise en scène géométrique, le film brise les conventions du jeux vidéo et vient imposer une ambiance froide et oppressante à son récit. Les personnages sont amenés à se perdre et à être dépasser physiquement et mentalement par des parcours de vies difficiles, mais aussi par une situation qui les dépasse physiquement et mentalement. Nombreuses seront les séquences où un personnage est perdu face à un décors ou un élément qui va l'enfermer ou le surplomber, reflétant les manques de capacités et de maitrises face à un monde qui échappe complètement à leurs créateurs. Le film arrive ainsi à établir un univers doucement âpre et froid qui envoute et nous fait pas lâcher le récit. Dès son prologue rappelant la scène d'exécution dans Resident Evil 5, le film dresse le tableau d'un milieu spirituellement brisé entre les convictions spirituelles et humaines. Tout le film sera de comprendre et de préserver les dernières traces d'humanité qui arrivent encore à rentrer en contact avec une forme puissante de spiritualité, dans une quête paradoxale de sauvegarde d'une humanité nocive pour le bien être spirituel.


Le soucis étant que, malgré une scène d'exécution d'une vache assez graphique, le film est assez sage et académique durant une bonne parti de la première moitié du long métrage. Peu être la faute à une scène démonique dans une église un peu trop abrupte, mais globalement le film est surtout très conventionnel et sage par rapport aux codes du shonen que l'on a déjà vu ailleurs. Des hommes au passé torturé se retrouvent, ils (re)découvrent une micro-société instable avec un personnage qui est la clef pour la stabilité de la société,... cela reste très scolaire pendant une bonne parti du film sans que l'on ait la possibilité d'y changer quoi que ce soit. La chose est d'autant plus éprouvante et appuyé par une sur-utilisation de flashbacks qui rendent la lecture anarchique et compliqué pour pas grand chose, car ces derniers servant avant tout à développer un univers et un lore qui aura du mal à trouver une pertinence dans la narration. A tout cela s'ajoute à un manque flagrant d'expérience du réalisateur qui se manifeste et qui gâche les idées de mises en scènes (provenant du webtoon ou du réalisateur lui même). Nombreuses seront les scènes où la photographie est très belle, où l'on devine ce que l'on cherche à procurer mais qui, par une mauvaise exécution ou une mauvaise animation, ne fonctionne pas autant que prévu. Cela se ressent surtout lors des scènes où les personnages sont confrontés à plus grand qu'eux, où le réalisateur cherche à instaurer un sentiment de grandeur et de peur mais qui, en terme de cadrage et de mouvements de caméra, n'arrive pas à appuyer ce que l'image peut raconter d'elle-même. On obtient un film assez simple, manquant de piquant la majeure parti du temps, parsemé de séquences pouvant paraitre inutile (je pense notamment à une scène avec des cheveux en bois) dû en grande parti à un scénario qu'on pourrait grandement améliorer en réorganisant le récit et moins s'éparpiller.


Comme dit précédemment, le film a énormément de flashback (surement dans une volonté de suivre la structure du webtoon d'origine). Le problème étant que si le film trouve de bonnes occasions pour introduire ses flashbacks, il n'en trouve pas toujours et vient presque parasiter la narration initiale en forçant les choses. L'un des exemples les plus parlants reste le jeune brun qui vient recueillir de l'aide pour une malédiction qu'il a eu en lien avec sa sœur morte, et dont le premier contact avec les protagonistes relève pratiquement du nanar. C'est un adolescent blessé au bras, il veut être aidé spirituellement (ou exorcisé, au choix selon ce qu'il faut lui faire), et veut donc se rendre dans un temple indiqué par une vieille dame qui l'a aidé. Pour aller dans ce temple il prend un bus vide jusqu'au terminus, et il voit un prêtre et un moine prendre l'exact même direction. On peut se dire qu'il va aller les voir pour possiblement parler de son problème mais non, il faut attendre, surement que c'est un timide. Il arrive sur place avec les moines et le prêtre qui prennent la seule route allant en direction de la montagne, et ce n'est qu'après que les deux religieux aient fait assez de chemin pour ne pas l'entendre qu'il décide de leur adresser la parole. De cela, il ne se dit pas que le prêtre et le moine peuvent avoir un lien avec le temple (seul bâtiment aux alentours) qui pourrait l'aider à l'exorciser et qu'il devrait les suivre, mais serait plutôt intelligent de couper à travers champ, hors du sentier et sans aucune carte, pour finalement se dire que la seule route visible menant vers le haut de la montagne pourrait possiblement être la seule route menant au temple. Tout cela pour quoi faire ? Pour une scène de flashback lorsque ce dernier se sera perdu dans les bois hors du sentier. Il y a une forme de candeur et de naïveté qui désamorce des scènes ayant le potentiel de bousculer d'avantage le spectateur, et on finit par voir un film assez décevant tant il s'approche d'une forme de radicalité rafraichissante pour le genre, tout en s'y éloignant la majeure parti du temps, et s'enfermant de trop dans des codes que l'on a déjà vu ailleurs.


Pourtant, malgré tout, je n'arrive pas à ne pas voir un film généreux et intéressant. Il est évident que le film est maladroit (voire même "loupé" lorsque l'on compare les intentions sous-entendu en filigrane et le résultat final), mais cela n'empêche pas d'être agréable à suivre (lorsque le film ralenti ses flashbacks, et même tel quel, les flashback sont intéressants et efficace dans leur ensemble) et qu'il réussit son objectif premier: être divertissant. Il est clair que le film n'a pas d'énormes ambitions narratives, ni même de convictions alambiquées. On nous instaure des gentils, un méchants, un atmosphère de simili apocalypse zombi et de malédiction sataniques, et on est invité à déambuler entre moments de tension, pure baston régressive, et scènes horrifiques qui sont sert assez timides, mais savent faire l'affaire. Dans ce dispositif très resserré, on est plus en proie à beaucoup mieux apprécier les personnages car peu nombreux (il y en a qui servent à rien et que l'on découvre car apparaissant d'un plan à l'autre sans introduction, mais la majeure parti restent intéressant et plutôt agréables, il y a bien le personnage de la jeune fille de l'église qu'on aimerait voir plus exploité... mais cela reste le seul exemple). On aime doucement ce récit et ces personnages que l'on apprend à connaitre et à aimer sans que l'on ait de trop gros efforts pour accepter d'éventuels défauts d'écritures. Le film offre même un dernier quart très intéressant, dans une accélération qui découle d'une situation qui dégénère et vient offrir des scènes plus graphiques et mieux réalisés. On a des mises à morts dans des couloirs qui fondent, des exécutions dans les airs avec une sorte de pendaison par la seule force de l'esprit, des transformations en démon à 8 yeux tandis qu'un autre personnage va pour se faire posséder et aggraver encore plus la situation... On arrive à un résultat qui aura prit son temps pour arriver, mais qui se révèle très réjouissante.


Exorcism Chronicles : the Beginning est très divertissant qui peut prendre son temps, mais qui arrive tout de même à nous accrocher. Entre Les Gardiens de la Galaxie, Resident Evil, The Deer King (si le film avait été plus axé sur l'environnement que sur les personnages, on aurait aussi pu citer Princesse Mononoké), et Blue Exorcist, le film est un mariage des genres et des références très agréable qui se profite sans qu'on se prenne trop la tête. Personnellement je peux très vite accrocher sur des propositions comme celle-ci, un peu tarte à la crème, qui se veut comme un divertissement sans trop de prétention mais qui fait l'effort de se détacher du lot avec une ou deux idées bien placées qui fonctionnent. Maintenant, il est évident que le film peut rebuter si on en demande beaucoup trop car, in fine, le principal défaut du film est qu'il reste un film de niche, aimant (ou pouvant apprécier) les shonen coréens pouvant être un peu plus bizarre que la norme. L'un des symboles de cela reste les décors et la spatialité dans laquelle se concentre l'action car, mis à part l'église dans le premier acte, la quasi intégralité du film se déroule dans un village alors que le récit évoque un danger mondial, signe que les enjeux concernent le monde entier mais qu'il n'impacte qu'un village de personnes connaisseuses. Il faut voir le film comme une introduction à un univers riche et attrayant, qui ne déçoit pas (malgré que l'on doit attendre pour être pleinement convaincu), et qui donne les clefs pour pleinement apprécier à ce qui s'apparente à une saga que j'ai déjà hâte de suivre de très près. La scène post générique promet énormément, dans un ton pouvant présager des influences plus divers comme Cry of Fear qui, mixé à ce qui a été installé jusqu'à présent, promet d'être grandiose. Rajouté à cela que l'on peut sérieusement imaginer que le réalisateur aura eu l'expérience de ce premier long métrage pour apprendre de ces erreurs, vous pouvez déjà imaginer mon avis quant à l'idée d'une suite sur les bases de la scène post générique.


11,5/20


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le 9 sept. 2024

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