Stop à l'acharnement thérapeutique
La scène d'ouverture nous montre la libération de Wesley Snipes d'un train de la mort par ses petits camarades de baston, plus méta-film tu meurs tant tout le monde, sauf peut-être le fisc américain, avait oublié son existence. Mais, à croire que personne dans la production n'a lu Stephen King, il n'est jamais recommandé de remuer ainsi la terre des cimetières. Alors qu'Expendables 3 aurait dû marquer une certaine maturité de la licence, il en établi plus que jamais les limites. Du monde, il y en a. Des noms, des stars, des souvenirs... oui mais au final c'est avant tout un défilé de fantoches auquel on assiste.
Il y a bien sûr des personnages complètement inexistants, désincarnés, qui s'empilent sans la moindre cohérence, des morceaux importés de souvenirs de cinéphiles jetés à l'aveuglette. Les actionners eighties et nineties censés revivre à travers Expendables valaient pour leur acteurs, oui mais aussi par le caractère iconique des personnages, souvent solitaires ou en "simple" paire dans les Buddy Movies. Ici, rien de tout ça, on voit des tronches connues qui jouent des mecs interchangeables dont tu ne retiens même pas le nom.
Il y a aussi des acteurs absolument pas concernés. Harrisson Ford est honteux, Jet Li donne l'impression qu'on a kidnappé sa famille pour l'obliger à apparaître, Lundgren... quel Dolph Lundgren ? Il joue dedans ? Quand tu as Terry Crews dans ton film, pourquoi tu t'amuses à l'en sortir aussi vite qu'il est arrivé ? Des plus le film joue la carte de la jeune génération qui prend la relève avec une tripotée de mecs (et une nana tout de même) aux personnages tout aussi nuls et dont on a, franchement, rien à battre. Le seul réconfort là dedans c'est qu'on se souvient que Schwarzenegger n'a pas eu que "I'll be back" comme punchline dans sa carrière, entendre un petit :
GET TO DA CHOPPA !!!
restera finalement comme la seule madeleine comestible dans ce sachet sorti du rayon "date limite de consommation courte".
Celui qui s'en sort le mieux finalement c'est Antonio Banderas. Il en fait des caisses, des tonnes... il en fait vraiment énormément mais étrangement ça passe et c'est le seul qui arrive à transmettre ce côté jubilatoire qu'on est en droit d'attendre de ce type de projet.
Du gâchis.
Du gâchis aussi parce que finalement la menace c'est juste un gars avec un milliard de soldats identiques dans des treillis identiques qui meurent à la chaîne. Où sont les enjeux ? Où est l'intensité ? Il aurait été tellement plus intéressant de répartir le casting entre une équipe de gentils et une de méchants. Voir Jet Li péter la tronche à Wesley Snipes. Assister à une empoignade entre Schwarzi et Stallone. Déguster un match Dolph Lundgren/Jason Statham. Ouais, là ça aurait peut-être de la gueule.
Car question "duel de titans", Expendables 3 c'est aussi le film qui arrive à ne rien faire de Mel Gibson dans un rôle de bad guy. Mel Fucking Gibson ! Et ils n'en font rien. On nous dit qu'il est un ancien fondateur du commando mais finalement cette histoire-là ne sert à rien. Là aussi le personnage est posé sur le récit comme un crotte, si l'acteur essaye vraiment de se débattre avec ce qu'on lui a donné, il n'est pas faiseur de miracle non plus. La confrontation finale est torchée en 30 secondes dans une séquence sans imagination ni intensité. Au moins JCVD avait eu le droit à un duel un peu sympa dans l'abominable Expendables 2.
Reste que des trois Expendables c'est sans doute le mieux filmé de tous, pas un grand exploit compte tenu de la diarrhée visuelle du 2 et de l'approche stroboscopico-parkinsonienne (oui, j'invente des mots) du premier. Une caméra moins dégueulasse, un montage plus fluide mais toujours cette incroyable hypocrisie à vouloir faire un film tout public. Alors qu'en 1995 john McTiernan s'amusait à trancher de façon percutante un terroriste en deux avec un câble de remorquage, Expendables 3 pousse gentiment des dizaines de militaires avec une corde en acier sans la moindre effusion de sang.
Reste aussi que la dernière demie-heure de destruction porn de zone industrielle bulgare vous réveille un peu, surtout avec le montage qui s'amuse à équilibrer au mieux les morceaux de bravoure de tout le monde... faudrait pas vexer quelqu'un, ça fait tâche dans une "bande de potes". Oui mais voilà, c'est justement parce qu'il faut préserver cette "bande de potes", ne pas froisser des egos ni ternir des carrières à deux pas du bord du gouffre de l'oubli infini.... c'est parce qu'à aucun moment Expendables 3 n'a été envisagé comme un film qu'il se casse la gueule tout seul. Un peu comme ces petits vieux de la maison de retraire, plein de pisse et de perfusions, tombés du fauteuil roulant qu'on préfère prendre en photo et poster sur Intsagram au lieu de les remettre dans leur chambre.
Sinon cet été vous avez The Raid 2 : inventif, débridé, viscéral, sanglant. C'est pas plus malin mais ça va au bout de la démarche et ça propose un vrai projet de divertissement burné.
Expendables c'est de la quantité, pas de la qualité.