Un tonnerre de feu projetant un homme au sol, des éclairs de lumière zigzaguant d'un front à l'autre, un vacarme mécanique assourdissant, du sang bientôt mêlé à la boue. Les débuts de The Exterminator nous plongent dans la fable de la guerre au Vietnam où John Eastland et Michael Jefferson, soldats appartenant au même régiment, se retrouvent piégés par une escouade de soldats vietnamiens, les menaçant de leur trancher la tête si les informations concernant la prochaine offensive américaine n'est pas révélée.
Ils s'en sortiront physiquement indemnes, pas leur santé psychologique.
Quelques années plus tard, Eastland et Jefferson vivent dans le même quartier et sont employés dans les abattoirs de New York. Jefferson est marié et père de deux enfants, tandis qu'Eastland est plongé dans ses lectures théoriques. Leur vie quotidienne semble avoir épongé les blessures de guerre.
L'histoire bascule après avoir fait avorter un simple vol dans un de leurs entrepôts : Jefferson est suivi à la trace puis attaqué par le gang responsable du larcin. Cette agression le laissera sur un lit d'hôpital, paralysé à vie. Ecoeuré, Eastland part à la recherche des gangsters afin de rendre justice à son meilleur ami. Quelques scènes plus tard, il retrouve les responsables et les exécute. Puis, il envisage de poursuivre la pourriture qui corrompt la société : de simples gangsters, il ira à l'assaut de mafieux, de criminels et de politiciens véreux, ayant échappé au système judiciaire américain. Ainsi naît l'Exterminateur.
Le casting de Robert Ginty en justicier est fascinant : son physique passe-partout, laissant paraître quelqu'un menant une vie tout à fait normale, ne fait pas apparaître un profil de commando formaté par sa carrière militaire, mais un être humain, rongé par son passé et inquiet pour son avenir. Son attachement auprès de son meilleur ami et sa famille, son dégoût pour l'injustice au quotidien et sa volonté de bien faire sont authentiques.
Mais sa violence et son professionnalisme font la différence : il élimine un gang au fusil M16, piège un chef de la Mafia dans un broyeur à viande, carbonise vivant un pédophile et verse du poison dans ses balles afin d'attribuer une mort lente et douloureuse à ses assaillants.
L'ambiance, elle, dépeint un New York suffocant, recrachant de ses poumons malades les ordures jonchant les trottoirs, les vapeurs bouillantes des grilles d'aération, l'odeur de viande froide galopant par rangées hors des abattoirs. Les quartiers filmés sont quasiment démolis, recouverts de briques et de graffitis, laissant une idée d'une portion de la ville à l'abandon à cause de la criminalité et du chômage. Les panneaux scintillants du Times Square ne sont qu'une infime projection de cette mégalopole et ne peuvent cacher la puanteur urbaine.
En parallèle à la vendetta menée par Eastland, le détective James Dalton, chargé par la mairie elle-même de retrouver le justicier aux méthodes peu académiques, mène une vie plutôt normale, alternant son travail et sa compagne lorsqu'il trouve du temps libre. L'idée d'une police également corrompue par les politiciens est significative : à deux mois des élections municipales, l'histoire de l'Exterminateur laisse penser à une action menée par un parti d'opposition (voire d'un gouvernement étranger, vu le contexte sous-jacent de la guerre froide). Cependant, les scènes distillées au milieu des opérations de John Eastland prêtent à distraire plutôt qu'à densifier l'histoire : au moment-clé de la rencontre entre les deux protagonistes, le final s'avère être un pétard mouillé et frustre considérablement.
Reste un portrait de New York du début des années 80 laissant un goût de rouille dans la bouche. Malgré une vision parfois simpliste, le réalisateur dépeint une ville embourbée dans la crasse et le sang, procurant au spectateur non seulement un film très porté sur le visuel (sans tomber dans la surenchère) mais aussi presque à caractère olfactif. Un résultat honnête livrant une performance agréable à regarder.