A force d'avaler ces drôles d'objets que sont les "net-flicks", surtout ceux de SF, genre-roi chez le géant du streaming, on finit sans doute par développer une sorte d'immunité à leurs défauts, tant ceux-ci sont systématiquement les mêmes. Comme à peu près tous les autres films produits par Netflix avant lui, "Extinction" est un film objectivement raté, une sorte de série B involontaire qui finit par noyer ses quelques qualités sous un flot de maladresses en tous genres, et dont on ressort vaguement déçu et passablement irrité.
Alors, état des lieux : il y a derrière "Extinction" plutôt une bonne idée, assez "phildickienne" (la réalité n'est pas ce que nous croyons, nous ne sommes pas ce que nous paraissons être), qui réjouira donc les vieux nostalgiques, comme moi, des années 60 et 70, où les romanciers de SF avaient quelque chose à nous dire sur nous, sur la société où nous vivons. La première partie du film, même si elle est convenue avec ces rêves envahissants et prémonitoires (?) du personnage principal (Michael Peña, qui n'a pas vraiment la pointure d'un tel rôle…) mettant en péril la vie familiale du héros, qui rappellent le principe du bien plus notable "Take Shelter", est intrigante, jusqu'aux scènes apocalyptiques d'invasion qui perturberont quiconque à lui-même / elle-même une famille "à protéger". Dans ce contexte, le twist malin qui révèle la réalité derrière l'illusion est parfaitement réussi et laisse espérer un instant une vraie réussite.
Las ! Le reste de "Extinction" est d'une ineptie perturbante: comme si les scénaristes n'avaient absolument aucune idée de ce qu'ils pourraient raconter ensuite, et que du coup, tout le monde fait n'importe quoi. Plus rien à raconter, donc on multiplie les incohérences qui minent la force initiale du sujet. Plus rien à filmer, donc la mise en scène est désormais aux abonnés absents. Plus rien à jouer, donc les acteurs tournent en rond. Le final est hallucinant de stupidité et de laideur.
Finalement, ce qu'on finit par comprendre devant "Extinction", c'est que ce qui manque aux "net-flicks", ce n'est ni le talent, ni l'argent, ni l'audace, c'est la base de toute œuvre artistique notable : le travail et la rigueur.
[Critique écrite en 2018]