Spielberg en aurait fait quelque chose de moins tire-larmes
Après avoir usé du thème de l’enfance 11 ans plus tôt avec son premier film Billy Elliot, le réalisateur britannique Stephen Daldry replonge à nouveau dans la jeunesse en s’attaquant à l’adaptation du best-seller de Jonathan Safran Foer, intitulée Extrêmement fort et incroyablement près. Un titre plutôt embêtant à énoncer quand on se présente au guichet pour demander sa place de ciné, qui cache une quête enfantine pour parler des événements du 11 Septembre de manière touchante (à travers les yeux d’un marmot). Un projet que j’aurais bien vu entre les mains d’un autre réalisateur (vous allez comprendre pourquoi et surtout de qui il s’agit) et qui aurait sans doute livré un meilleur drame que ce qui est présenté ici.
Avant de continuer, il faut savoir de quoi parle exactement le livre de base. Certes, ce dernier suit le parcours d’un enfant qui, à la suite de la découverte d’une mystérieuse clé dans les affaires de son défunt père – décédé lors des attentats du World Trade Center – tente d’en découvrir la serrure en faisant du porte-à-porte dans tout New York. Mais cette « chasse au trésor » à hauteur d’enfant n’est que le prétexte pour établir l’histoire d’une famille juive depuis sa venue aux États-Unis ainsi que de voir les conséquences du 11 Septembre non à échelle mondiale ou nationale mais plutôt intimiste. Bref, un long-métrage que j’aurais bien vu dirigé par un maître en la matière, qui s’est plusieurs fois illustré dans le divertissement pour enfants aussi bien en tant que réalisateur (E.T. l’Extraterrestre) que producteur (Retour vers le Futur, Gremlins, Les Goonies, Super 8) ainsi que le drame évoquant l’histoire juive (La Liste de Schindler, Munich). Vous l’aurez deviné, je veux bien entendu parler de Steven Spielberg. Eh oui, il aurait été le cinéaste idéal pour émouvoir et toucher sans jamais tomber dans le pathos, tout en étant bien entouré notamment d’un John Williams qui aurait offert une composition musicale de toute beauté pour ce long-métrage ! Mais c’est Stephen Daldry qui est à la barre, et le résultat est bien loin de ce que l’on pouvait attendre d’un Spielberg.
Pourtant, le Britannique avait déjà démontré qu’il pouvait s’occuper d’un tel projet avec Billy Elliot. De plus, le voir collaborer avec le scénariste Eric Roth, à qui nous devons Forrest Gump, Révélations, Munich et L’étrange histoire de Benjamin Button (excusez du peu !), cela ne pouvait qu’inaugurer du bon ! Malheureusement, Extrêmement fort et incroyablement près n’est pas la réussite à laquelle nous étions en droit d’attendre. Alors attention à la mauvaise compréhension de cette déclaration : je ne dis pas que le long-métrage de Stephen Daldry est mauvais, loin de là ! Au contraire, le réalisateur arrive à nous intéresser grandement avec cette « chasse au trésor » menée avec entrain, servie par d’excellents seconds rôles (Max von Sydow en tête) et accompagnée par les magnifiques musiques du compositeur français Alexandre Desplat. D’autant plus qu’il est quasiment impossible de se montrer insensible à ce qui se passe dans ce film, certaines situations réussissant à faire couler une larme même chez les plus « durs à cuire ».
Le problème provient du fait qu’Extrêmement fort et incroyablement près ne met pas assez en valeur son jeune héros, préférant se concentrer sur les événements du 11 Septembre (même s’ils ne sont pas vraiment cités dans le film). Ainsi, le film fait l’impasse sur l’histoire familiale pourtant bien présente dans le roman pour nous proposer à la place quelques séquences en relation directe avec les attentats et qui ont un côté tire-larmes juste flagrant, comme si le but était de faire pleurer le spectateur et rien d’autre. Vu le sujet et les personnages, ça marche, mais c’est souvent tourné à l’excès et cela peut se montrer agaçant, étant donné que le film n’arbore aucune once de poésie au contraire de ce qu’aurait justement fait Steven Spielberg. Au lieu de cela, nous avons une touchante quête qui doit faire face à de nombreux défauts, tels qu’une mise en scène bien souvent étrange (et qui peut porter sur les nerfs) faisant ressortir un côté bordélique ou encore le jeune acteur Thomas Horn qui se fait constamment éclipser par les stars du film pourtant réduites en tant que seconds rôles (Tom Hanks, Max von Sydow, Sandra Bullock, Viola Davis, Jeffrey Wright, John Goodman…) alors qu’il porte le long-métrage sur ses épaules. Dommage…
Encore une fois, Extrêmement fort et incroyablement près n’est pas un mauvais film, étant donné qu’il saura vous émouvoir (parfois de manière poussive) et vous divertir comme il se doit. Mais avec l’ampleur du projet et les personnes à sa tête, nous étions vraiment en droit d’attendre bien plus de ce film. Et sans vouloir en remettre une couche, avoir eu Steven Spielberg à la réalisation de ce long-métrage aurait sans doute donné à ce dernier meilleure allure.