Dewaere et contre tous

F comme Fairbanks est certainement le film de Patrick Dewaere à travers lequel l'acteur parle et donne le plus de lui ; en interprétant le personnage tragi-comique d'André Fragman le comédien polymorphe porte à son paroxysme sa vulnérabilité d'homme et d'artiste : loser attachant et facétieux fraîchement débarqué de la prison et de l'armée Fragman se cogne dès les premières minutes du métrage contre le mur d'une société en proie au chômage et à la compétitivité. Nous sommes au coeur des années 70, les trente glorieuses sont alors révolues, et le jeune André Fragman semble ne correspondre à aucune case du vaste échiquier social hexagonal...

Ce film - d'une amertume douce - et donc clairement un film avec et sur Patrick Dewaere. Au gré d'une mise en scène sans fioritures et d'une écriture poétique et lourde de sens Maurice Dugowson sublime son interprète principal, faisant de cet écorché vif l'antithèse parfaite du héros titulaire de son film. Utilisant - sans pour autant l'instrumentaliser - la relation sentimentale liant Dewaere à Miou-Miou le réalisateur dépeint une société française en crise dans laquelle les désaxés n'ont pas - ou plus- leur place.

Entre un Jean-Michel Folon peu présent à l'écran mais bel et bien là lorsqu'il l'est, un Michel Piccoli génial en patron subtilement condescendant et quelques jeunes têtes encore peu connues mais en pleine croissance ( Christian Clavier désopilant en loufiat maladroit ; Thierry Lhermitte météorique en chômeur désespéré ) F comme Fairbanks s'illustre modestement mais avec brillance comme un film appartenant entièrement à son époque. Une oeuvre triste, lucide et particulièrement personnelle dans laquelle Patrick Dewaere confirme à chaque seconde l'immensité de son talent. J'adore !