La dystopie dans laquelle s'inscrit Fahrenheit 451 a de quoi horrifier l'ensemble de la communauté SC. Pensez donc : ici, les livres, on ne les lit pas. On les brûle. Sans autre forme de procès, sinon celui du malheur du peuple.


L'autodafé funeste est quotidienne et se célèbre à la tonne de papier réduit en cendres. Comme chez les révolutionnaires et les nazis. Tiens, d'ailleurs, le nom du personnage principal, traditionnel grain de sable destiné à gripper le système, n'est pas innocent. Montag est un pompier d'un nouveau genre au sein d'une société déshumanisée, privée de sa mémoire et de son identité.


La dénonciation anonyme est monnaie courante. La triste Histoire se répète. Comme ce qu'on cache des autorités, d'une étrange et oppressante police de la pensée anesthésiée. Car il s'agit bien d'anesthésie, après tout.. A l'image de l'épouse de Montag, évanescente, hypnotisée, préférant se planter devant un mur écran à un dialogue de toute façon des plus limités. Un peu comme dans Rollerball, dans une thématique voisine.


Tout cela sous couvert d'une égalité stricte au détriment de la liberté de penser. Tout cela sous couvert d'un bonheur en mode unique et morne, à l'image de ces blocs de béton ou des alignements parfaits de ces habitations répétées à l'identique. Toute attitude dissidente est condamnée, toute liberté asservie. L'amorphe est la norme.


Le monde dépeint par Fahrenheit 451 est à ce point suffocant que le film en adopte la vision. Car si le film n'ennuie pas, il se montre cependant volontiers lancinant dans son atmosphère, entre le domicile de Montag, sa caserne et les multiples plans du métro aérien qu'il emprunte. Tandis que son aspect doucement rétro futuriste paraîtra immédiatement daté, comme ces actualités qui nous donnaient à rêver de l'avenir à la fin des années 60. Mais le plus important, dans Fahrenheit 451, n'est pas là.


Car François Truffaut filme la prise de conscience d'un homme, qui ouvre les yeux sur sa place dans la société et sa fonction d'asservissement, sa qualité d'agent du déracinement d'une civilisation désincarnée de ses origines et de son passé dans un futur dangereusement normalisé ; où la pluralité et les mots ne sont perçus que comme des menaces et les causes du malheur. Au prix d'images magnifiques de colle de reliure qui bouillonne, de couvertures d'ouvrages qui se gondolent ou de pages qui dansent sous les flammes et qui s'animent une dernière fois en prenant le forme de volutes, le réalisateur s'affranchit des mots pour illustrer la perte inestimable de cette multiplicité de voix et de conceptions, de thèmes et de visions de l'existence...


Avant de les rallier à sa cause en parlant de transmission. En remontant aux origines humaines et sa tradition orale. En réaffirmant la place prépondérante de l'héritage et de la mémoire. Loin des carcans d'une pensée unique et pourtant terriblement proche de l'aculture hyperconnectée.


Fahrenheit 451, par certains de ces aspects, est donc loin de la dystopie...


Behind_the_Mask, pompier pyromane.

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le 12 déc. 2017

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