Remake d’une œuvre baptisée par la température de combustion du papier, illustrant une société dystopique où les lance-flammes policiers, enfin des pompiers, à la vocation corrompue depuis longtemps, s’acharnent à détruire la totalité de l’humanité en cramant tout livre, toile, et support informatique, et en condamnant tout membre d’une résistance qui les détient ou les protège. Celle-ci s’adapte en faisant de chacun de ses membres un livre vivant, et en conspirant la diffusion génétique mondiale d’une puce organique contenant l’ADN de l’art et de la connaissance perdus.
Les actions, le rythme et les rebondissements rendent cette version bien moins froide, immobile et plate que la première adaptation de 1966. Plus actualisée par l’informatique, les drogues et les médias, celle-ci est également un peu plus cow-boy, et tire sur une sentimentalité qui risque de massacrer un peu le message. On obtient un spectacle dystopique qui s’éloigne du sujet de base au profit d’une aventure dont l’ambiance et l’évolution individuelle rappelle Equilibrium, lui-même inspiré du même roman.
Je n’ai pourtant pas envie de dénigrer ce téléfilm qui m’a fait passer un bon moment, avec un Michael Shannon et Michael Jordan qui se défendent bien, même pour du déjà-vu. Car il a su remplir sa fonction philosophique par l’aspiration à la liberté malgré toute forme de conditionnement. Il montre la dictature révisionniste érigée par la destruction de l'histoire, de la science, de l’art, de l’intelligence et de la connaissance. Il décrit le despotisme légitimé par la perversion du principe d’égalité, obtenu par la destruction de l’exercice de la pensée, du verbe, de la création intellectuelle, de la question et du choix. Il dépeint l’éternelle méthodologie visant l’adhésion consentie d’une population lobotomisée depuis l’enfance, assurant ainsi la pérennité de sa tyrannie. Il révèle enfin son humanité, au sens spirituel, lorsque l’existence même de la vie ne peut trouver de sens qu’en déployant ses propres choix et sensibilité.