nov 2011:

Dans ma cinémathèque personnelle, il y a pas mal de petits films, souvent décriés -voire pire... oubliés- et que j'adore voir et revoir pour des raisons diverses. "Faites sauter la banque" est de ceux-là, un film de Jean Girault, un réalisateur que j'aurais toutes les peines du monde à qualifier d'artiste. Je m'interrogerais même sur la légitimité de l'appeler "artisan". Non, clairement, j'aurais du mal à nourrir quelque admiration pour ce type. C'est peut-être injuste. J'en sais rien, je ne connais pas assez le bonhomme. Toutefois, l'inverse est aussi vrai : je ne le déteste pas non plus. Je ne le connais pas et cela me convient bien finalement.

Or, il se trouve qu'il est le réalisateur de cette adorable petite comédie familiale qui ne paye pas de mine et propose un divertissement très réussi, à mon sens, à la fois paisible et riant, équilibré et bien joué à quelque exception près. Je le placerais volontiers dans la famille des petites comédies françaises qui, à l'époque de leur sortie, ne devaient pas attirer l'œil mais ont su avec le temps se faire une petite place au soleil. Des comédies à deux balles, il s'en tournait à la pelle jadis, dont beaucoup paraissent aujourd'hui poussiéreuse, voire irrémédiablement crétines.

Comme "Poisson d'avril" de Grangier que j'aime beaucoup également, "Faites sauter la banque" est toujours propre et net, malgré les revoyures et le gouffre du temps qui est passé. Toujours aussi dynamique et bien structuré, le scénario est très bien foutu, classique certes, mais parfaitement huilé. Le mécanisme fonctionne encore sans anicroche. L'unité de lieu garantit peut-être une certaine sécurité et donne à l'action un bon rythme essentiel au genre. Mais cela ne suffit pas à expliquer la bonne tenue de l'ensemble. Le montage assure aussi par ailleurs le tempo.

Et plus encore, le film trouve dans sa distribution de joyeux lurons qui font bien plus que le boulot.
Le "jeune" Louis de Funès est déjà au meilleur de sa forme, dans l'extraordinaire, le sublime, l'excellence de l'art comique. Je suis amoureux de sa justesse, de son impeccable capacité à épouser le rythme de la comédie, toujours millimétrique à tomber. C'est un plaisir constant en tant que spectateur : il n'y a pas la moindre faute, la plus petite fausse note dans son jeu.

Pour l'accompagner les seconds rôles ne manquent pas.
La belle voix de Jean-Pierre Marielle est un délice. Il n'a pas encore sa grande gueule, cette envergure souriante, mais une espèce de regard que j'oserais qualifier de "lagaffien". Oui, je trouve qu'il ressemble au premier Gaston Lagaffe, du temps des coupes courtes, des premiers dessins de Franquin, une insolence benoite dans le regard... Mais sa présence est déjà l'occasion de goûter une belle performance.
On pourrait dire la même chose de Georges Wilson qui a une participation très remarquée.
Celle de Jean Lefebvre est plus courte mais toujours sympathique.
L'habillage familial est peut-être un peu moins marquant. Yvonne Clech est efficace.
Michel Tureau est plutôt moyen.
Par contre, j'ai un faible pour le sourire et les grands yeux d'Anne Doat.
Seul acteur au jeu plutôt déplaisant, Jean Valmont joue souvent très mal dans ce film mais, à sa décharge, c'était là son tout premier (la trouille des débutants?). Z'ont pas dû trouver de beau gosse plus mature, dommage. Il semble comme un intrus dans la troupe. Les scènes auxquelles il participe sonnent malheureusement très faux.

J'aime aussi ce film pour son décors fifties. Comme pour "Poisson d'avril", un film qui dessine parfaitement son époque sans grand fracas mais avec une subtilité qui m'émerveille toujours autant, j'adore revoir cette vieille France, totalement disparue aujourd'hui (et c'est heureux!), celle des "surprises parties", des vieilles bagnoles ou bicyclettes, celle du temps des transistors. Mon regard se fait nostalgique, sans trop savoir pourquoi au juste. M'enfin, c'est là, un peu réconfortant, surtout très amusant, notamment ce décalage avec la société actuelle. Encore un de ces films qui témoignent d'une histoire, très ordinaire, mais toujours attendrissante et qui ne subsiste que dans les souvenirs ou quelques pages jaunies.

Mais bien entendu, le point fort de ce film reste la performance de Louis de Funès, prometteuse, ultra précise, jubilatoire.
Alligator
8
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le 20 avr. 2013

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