Jusqu’auboutistes, sérieuses, sèches… Ces trois œuvres forment une trilogie de moyens métrages en tout point admirable, réussissant sur les plans de la symbolique et de la psychologie de chaque personnage. Si leur état d’esprit est mis en scène de façon outrancière (Cutting moments aura une conclusion pour le moins atroce et exagérée), il reste parfaitement compréhensible, toujours en pertinence avec le message illustré par le film. Résultat : on a vraiment des personnages épais en face de nous, pas des pantins qui accomplissent des actions immorales gratuitement. On distingue alors les thèmes que Douglas veut développer : l’autorité paternelle, toujours de mise dans ce genre de famille américaine, et ici complètement étouffante (la vision du couple américain est passablement sordide, vu qu’aucun sentiment positif ne semble émaner de l’entité paternelle, qui impose sa volonté et qui transforme ses enfants en une copie de lui-même). La frustration est aussi particulièrement bien exposée, représentée chez l’enfant, complètement autiste dans Cutting moments ou masochiste dans Home (et de la même façon chez le violeur en proie aux remords) par la flagellation ou la scarification, et chez les femmes par l’appétit sexuel insatisfait, sans que ce manque soit remplacé par quoi que ce soit (la religion, apparaissant dans Home, ne sert qu'à repousser le problème à plus tard). La famille n’est qu’un mot, elle ne représente en rien l’affection qu’elle sous entendait. Enfin, la destruction familiale (et sa lente reconstruction dans Prologue) est brillamment illustrée, de la façon la plus sournoise possible puisqu'elle se fonde sur les deux premiers thèmes cités (en tout cas pour Cutting moments et Home) pour finir, par accumulation, dans de véritables pétages de câbles. Les deux premiers moyens métrages, très cohérents, aboutissent tous dans une orgie de gore, surréaliste pour Cutting moments (où les parents, ayant ruiné leur existence, passent leurs dernières heures à se mutiler), affreusement plate pour Home (des cadavres dans le flou, du sang sur les murs, on n'a pas vu la violence, il n'en reste que les traces). La destruction est totale, la présence féminine est réduite à néant par le mépris masculin, l'enfant reproduit ce schéma de pensée, la structure familiale semble sans issue. Mais quelques années plus tard, après ces chefs d'oeuvre de destruction, Douglas Buck semble s'intéresser à la reconstruction.

Il est toutefois nécessaire de souligner que le dernier film, Prologue, de loin le plus soigné au niveau des caractères, est très intéressant dans son approche des deux personnages qui tranche avec la mécanique des autres films. On peut même faire une comparaison grossière avec TERROR FIRMER, et sur la réaction de la victime en face du violeur. Le film passe en effet son temps à illustrer le comportement de 2 personnes. Un vieil homme qui a complètement perdu goût à la vie, qui se scarifie régulièrement et qui attend la mort. On comprendra alors qu'il a violé une gamine de son village avant de lui couper bras et de lui briser la colonne vertébrale. Comment se reconstruire après un traumatisme pareil ? C'est ce à quoi le film va s'intéresser, puisqu'il va filmer le retour de la jeune fille (désormais adulte) auprès de ses proches, et qu'il va, peu à peu, arranger un nouveau face à face. Sans parler de tension, l'anxiété grandit au fur et à mesure que les portraits s'épaississent, et finalement, c'est l'un des dénouements les plus subtils et les plus touchants que j'ai pu voir au cinéma qui nous est offert. La classe moyenne américaine semble aller très mal, et si on se focalise sur les points communs à ces trois moyens métrages, il s'agit probablement du silence. L'écrasement des femmes, l'acceptation passive de l'autorité paternelle et la solitude accablante qui imprègne chaque seconde de l'oeuvre (les repas de famille sont à se frapper la tête tant l'absence de communication les broie...). Que ce soit l'épouse qui se tait quand son mari entretient une relation incestueuse avec leur enfant (en hors champ) dans Cutting moments, un mari qui reste sourd aux demandes de sa femme dans Home ou la femme d'un violeur qui se mure dans le silence et finit par devenir folle dans Prologue, le silence mine tous les personnages de l'intérieur, les isolant des autres, et finissant carrément par les faire souffrir.

Vraiment, si le ton des films reste lourd, sérieux et focalisé dans son illustration de l’envers de la médaille, il est d’une sincérité qui m’a vraiment bluffé, en plus de la baffe colossale qu’il procure au spectateur non averti. Mention spéciale dès lors à tous les acteurs, qui sont tous d’une justesse sobre alors qu’on a affaire à de parfaits inconnus. Vraiment, FAMILY PORTRAITS est un drame méchant, nihiliste pendant sa majeure partie, mais qui se conclut d’une manière admirable. Vraiment un des meilleurs drames qui ait jamais été tournés, et une démonstration remarquable des talents de Douglas Buck, qui nous offrira par la suite le magnifique remake de SISTERS et le tromatisant TERROR FIRMER.

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le 13 sept. 2013

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Voracinéphile

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