"Fanny" commence exactement là où le premier volet de la trilogie, "Marius", s'achevait : le bateau La Malaisie quitte le Vieux Port de Marseille pour l'Australie, avec Marius à son bord, laissant la protagoniste éponyme seule en larmes. Cette dénomination donne d'ailleurs le la du film : on sera beaucoup plus dans l'intime et le mélo, et beaucoup moins dans le regard du sociologue (j'exagère à peine) du premier, avec ses allures de carte postale ensoleillée. C'est à ce titre que j'ai moins apprécié cette histoire-là, au-delà de quelques petits défauts (l'histoire s'essouffle vers le milieu, quelques petites facilités pour tirer la larmichette) et de quelques points meilleurs (la mise en scène semble mieux maîtrisée, moins maladroite, plus dynamique).
Pour le reste, le texte de Pagnol reste toujours aussi efficace, moins gouailleur, mais toujours aussi surprenant dans sa capacité à faire surgir l'émotion des (voire entre les) scènes de dispute. On s'engueule mais on s'aime : c'est d'ailleurs un motif qui se répète par rapport à "Marius" mais aussi à l'intérieur du film, ce qui peut être légèrement gênant quand on est un chieur comme moi. Heureusement, de nombreuses scènes collector parsèment le film, comme cette vente de bateau par Panisse à Monsieur Brun qui a tendance à chavirer à cause de "sa trop grosse hélice, tellement grosse que c'est elle qui fait tourner le bateau et non l'inverse" (citation approximative). Ou encore l'écriture de la lettre de César (Raimu toujours impeccable) à son fils :
"Quand tu vas commencer à mesurer le fond de la mer, fais bien attention de ne pas trop te pencher, et de ne pas tomber par dessus bord et là où ça sera trop profond, laisse un peu mesurer les autres."
Par contre, l'interprétation d'Orane Demazis avec ses trémolos dans la voix, n'est pas magistralement convaincante... Les discours sur la paternité et sur les choix amoureux ne sont pas particulièrement éloquents entendus aujourd'hui, mais ils demeurent justes, loin de toute morale consensuelle, et surtout devaient à l'époque jeter une lumière tout à fait intéressante sur ces filles-mères, leur dimension dramatique, les choix cornéliens auxquels elles étaient confrontées (surtout quand ils impliquent en plus un petit "bâtard") et toute les disgrâces auxquelles elles s'exposaient.
Enfin, sur une note mineure, j'ai bien aimé le changement de perspective sur le personnage de Panisse. Moins monolithique, plus dans la nuance des sentiments que son rôle impose.
[Avis brut #26]