Fanny et Alexandre, c'est l'un des derniers films de Bergman. Ici, la version courte pour le cinéma 3h et des cacahuètes, sinon c'est d'abord sorti à la télé sous forme de série (5h et des patates). Autant dire que je me suis dit que j'allais commencer par la version courte. Et bien m'en a pris ! La fin de sa vie approchant, et se sentant de plus en plus fatigué, Bergman décide de livrer au public un film autobiographique donnant évidemment des éléments de sa vie, mais surtout des clés pour son œuvre, et c'est sans doute ce qui fait véritablement de ce film un objet important du cinéma. Pour ce qui est du titre, il a mis sa sœur pour faire joli, car elle n'aura aucune importance dans le film. Peut-être dans la série ? Oui, car Alexandre c'est Bergman, et Bergman, le nombril, il connait visiblement.
Au début, en nous montrant les festivités de Noël en Suède dans une famille de théâtre, on a l'impression que le film va être long et ennuyeux, à moins que ça ne tourne à la Festen ? C'est sans compter sur un oncle qui va faire des prouts devant les enfants et qui va même, non pas les enflammer, ça, ça aurait été vraiment cool, mais éteindre la bougie avec son cul. On sent que ça commence à se détendre, à se décontracter de l'anus, tant mieux. On rencontre l'oncle qui se tape la bonne, et qui après n'est plus capable de faire son devoir avec sa femme, mais cette dernière est brave, heureusement, son mari est si charmant, avec ses belles moustaches. Un homme qui a de belles moustaches, tout le monde le sait, comme le dit le proverbe Slovaque, "on peut tout lui excuser". Oui mais voila, le père de Alexandre et Fanny, oui, car c'est Alexandre en premier, il meurt. Et là, c'est le drame : la mère, après avoir passé la nuit à faire des allers retours en se lamentant en des cris effroyables dans la chambre du mort devant son cadavre la veille des funérailles, ne trouve rien de mieux que se mettre à la colle juste après avec un horrible pasteur/ évèque, et son horrible famille : sa mère, sa sœur, et une autre, je sais plus si c'était sa sœur ou quoi, une grosse moche qui passe ses journées au lit. Ici, on est direct dans Jour de colère de Dreyer (que j'ai vu récemment). On peut aussi voir des clés de lecture pour Sonate d'automne. Dans ce dernier, une mère arrivait dans la famille de sa fille mariée avec un pasteur, sauf que celui-ci était gentil, et il y avait aussi le personnage handicapé et malade, la fille de la première et sœur de la seconde. Là il y avait règlement de compte entre la fille et la mère. Ici, il y a règlement de compte entre le réalisateur et son beau-père tyrannique, mais aussi avec Dieu.
Le religieux méchant les maltraite. Il enferme les enfants. La mère veut s'enfuir, mais il lui dit qu'il gardera les enfants. L'histoire va se répéter, car dans la réalité ou dans l'imagination de l'enfant, la frontière n'étant pas nette, l'Évèque a séquestré sa précédente famille, et la femme et les enfants sont morts en tentant de s'enfuir. C'est l'occasion de montrer que Alexandre, Bergman voit le fantôme de son père et des fantômes (fantômes, phantasma, fantaisia) c'est-à-dire des fantasmes, des visions, bref il a l'imagination fertile, il va devenir un grand artiste. Heureusement, un parent juif va jouer un tour au méchant Eveque, et avec l'aide d'une malle magique, il va faire évader les enfants de leur prison pas dorée du tout. Les enfants montent dans la malle, l'Eveque se doute de quelque chose et va voir dans leur chambre, mais les enfants s'y trouvent bien. Ils se trouvent à la fois dans la boite et dans leur chambre. Tour de magie ou physique quantique ? Le chat de Schrödinger n'a qu'à bien se tenir. En tout cas l'évasion réussit et ils se retrouvent bientôt chez ce parent juif qui vit dans une espèce de merveilleux cabinet de curiosité.
Alexandre devient aussi philosophe de manière assez précoce puisqu'il nous dit que Dieu quand même, ce gros fils de pute, s'il le voyait il lui mettrait bien son pied au cul. Le juif à qui il parle ne lui donne pas tort. Enfin, il rencontre un jeune homme enfermé dans une pièce de la maison du juif, sauf que ce jeune homme est joué par une femme et le tripote un peu, mais gentiment, ça va pas trop loin. Enfin dans la série peut-être ... Notons que les scènes que j'ai le plus appréciées se déroulent dans la maison du juif. La scène avec le Dieu en marionnette qui s'effondre, la scène avec la momie qui respire. Alexandre qui se perd dans la maison comme dans un labyrinthe. Alexandre (et sa sœur) vont finalement retourner dans la maison familiale avec bonheur après cette parenthèse chez le parent juif qui les a sauvés de l'Eveque qui entre temps a péri dans l'incendie de sa maison provoqué par miracle par sa sœur handicapée et moche.
Il y a un âge dans la vie où il faut se farcir les films de Bergman et lire Anna Karénine. Pour celui-là, c'est fait. À très vite pour le prochain !