Très bonne adaptation en effet du roman qui servi donc plus tard au Fils du désert (que j'avais bien aimé) et dont on retrouve certains cadrages à l'identique (la femme enceinte dans le chariot).
Par contre la version de Wyler est autrement plus sombre, crue et rugueuse. On est pré-code et les personnages comme l'atmosphère sont peu aimables avec beaucoup d'aspérité. Lors que le trio découvre le chariot avec la femme, ils débattent d'abord pour savoir qui aura le droit de profiter en premier de celle-ci, avant même de savoir ce qu'elle fait la et si elle est d'accord. Ils sont aussi très partagés sur le sort à accorder au nouveau né, hésitant à l'abandonner pour profiter des maigres réserves qui lui sont réservés.
Il en ressort une vision de l'ouest très peu glamour et idéalisé. On pourrait multiplier les détails qui représentent un ouest égoïste ou immoral : un prêtre tire sur des fuyards, on empoisonne ou on assèche volontairement des points d'eau, les villages accueillent les étrangers par une potence... Ca ne fait pas vraiment rêver et on loin du lyrisme humaniste de Ford.
Pour le coup, ça tranche incroyablement avec les westerns muets de Wyler qui étaient non-violent et décontracté. La fin est d'une noirceur difficilement imaginable quand on les connait (et quant on pense à la version de 1948.)
Le dernier survivant boit volontairement de l'eau empoisonné, histoire de s'hydrater et retrouver juste assez de force pour amener le bébé au village voisin.
La réalisation de Wyler ne choisit pas la facilité pour un premier film parlant : entièrement des extérieurs dans des lieux reculés ou isolés. Les paysages sont d'ailleurs très bien trouvés et en valeurs (ah ce cactus en forme de croix!). De plus la caméra n'est pas avare de longs travelling ou mouvements de grue. Si la réalisation est loin d'être immobile et privilégie les plans d'ensemble, j'ai trouvé cependant que l’interprétation manquait un peu d'assurance et restait un peu statique. On sent que la prise de son est encore compliqué et que les acteurs n'osent pas sortir de leur "marque". Ça manque un peu de naturel et de fluidité.
Ca sera le seul vrai grief d'un film rythmé, riche et sortant des zones de confort.