La Bonne, l'Abrupt et le Gluant

Obligatoirement lorsque l'on est le réalisateur de deux œuvres majeures du western spaghetti avec Le Grand Silence et Django, un film comme Far West Story (La Banda J. & S.) semble bien plus anecdotique. Mineur c'est peut être le mot qui revient le plus souvent au fil des critiques que j'ai pu lire sur ce film de 1972 de Sergio Corbucci, pourtant est ce vraiment mineur d'offrir un si bon et honnête divertissement teinté en plus d'un amusant message féministe ?

Far West Story nous raconte l'histoire de Jed un hors la loi crasseux et solitaire à la tête généreusement mise à prix. Par un concours de circonstance il va rencontrer Sonny une jeune femme qui souhaite faire équipe avec lui, à son plus grand désespoir. Les deux en perpétuel conflit finiront pourtant par se marier et former un duo de voleurs façon Bonnie & Clyde version far-west.

Far West Story n'est pas un western sombre et sérieux, dans le sillage du succès de Trinita le film s'inscrit dans la vague des westerns comiques avec comme personnages principaux un duo improbable à la fois ressort de comédie et pivot ici d'une mécanique proche de la comédie romantique. C'est le comédien Tomas Milian qui incarne avec verve et enthousiasme ce truand bourru, ultra machiste et solitaire qui se retrouve contre son grès avec une femme à ses basques. Pas trop romantique le personnage de Jed commencera par foutre une bonne beigne à sa partenaire avant de tenter de la violer et de l'offrir aux victimes d'un vol de diligence afin qu'elle parte croupir en prison. De toute évidence le film s'amuse à grossir démesurément le trait du du mâle viril italien à grand coup de dialogues vachards, misogynes et machistes sur les femmes que le héros traite comme des bonnes à rien pire que des animaux. La femme en question c'est donc Sonny interprétée par une excellente Susan George dont l'innocent minois contraste à merveille avec la dureté des traits de son goujat de compagnon. Fatalement les deux finiront par se rapprocher, devenir complice et même se marier ce qui n'empêchera pas Jed de rester un bon gros macho bien lourd durant tout le film. Le rapprochement des deux se fera tout en douceur avec quelques scènes d'une magnifique douceur, tendresse et simplicité comme lorsque Jed regarde Sonny s'endormir en souriant avant que les deux ne se léchouille le visage comme des petits animaux amoureux. La complicité entre Tomas Milian et Susan George est formidable et quasiment toutes leurs scènes font mouche que ce soit sur le registre de l'action avec leurs arnaques et attaques communes , l'humour comme avec l'hilarante scène des nuages et bien sûr la romance. Et bien loin de faire l'éloge du machisme, le film finira même par renverser la tendance en montrant Jed dont l’obsession des gros nichons pleins de lait renvoie à un complexe d’Œdipe mal géré, courir comme un petit chien soumis pour rattraper Sonny qui l'envoie balader lassée de son comportement animal.

Far West Story est aussi un pur western avec ses magnifiques et iconiques chevauchées au soleil couchant, ses chasseurs de primes aux tronches patibulaires, ses chicanos, son boxon, son shérif et ses coups de pétoires, le tout bercé par un très beau score mélancolique signé Ennio Morricone. On pourra juste regretter que le bon gros méchant de l'histoire, le shérif Franciscus, interprété par Telly Savalas manque un peu de prestance et de présence à l'écran. Le fait qu'il n'incarne jamais une menace suffisamment puissante et forte, empêche que l'on tremble vraiment pour ce couple desperados. C'est d'autant plus dommage que les rares scènes de confrontation direct entre ce trio sont excellentes comme lorsque Jed et Sonny se cachent sous des grains de maïs dans une grange pour échapper au sinistre shérif qui menace d'y foutre le feu.

Alors bien sûr Far West Story ne restera pas comme le plus grand western de Sergio Corbucci, mais quel plaisir de voir l'abrupt Tomas Milian cabotiner en gros macho, la bonne Susan George finir par le dompter de son charme innocent et le gluant Telly Savalas essayer de chopper les deux tourtereaux comme dans un cartoon. Le film est un parfait mélange d'humour, d'action et de tendresse qui en plus donne une bonne petite baffe sur les couilles du machisme en le renvoyant à un comportement d'animale. Des films mineurs comme ça, j'en veux bien tous les jours.