Fascination par Claire Magenta
Fascination s'il n'est pas un des films les plus connus de son auteur n'en reste pas moins un des plus accessibles et recommandables pour l'imprudent qui aimerait découvrir l'œuvre du sieur qui fut estampillé de manière triviale "pape du Z français". Accessible et par conséquent (?) légèrement à part dans la filmographie du réalisateur de la Vampire nue, le long métrage s'écarte quelque peu du thème central cher au cinéaste pour en proposer une version alternative car suggérée. Rollin quitte le fantastique tel qu'on l'entend de nos jours pour revenir aux racines du genre, à la croisée du surnaturel et de l'étrange dans le sillage d'un Edgar Allan Poe.
1905, pour combattre l'anémie des jeunes filles de la bonne société, une thérapeutique nouvelle leur est proscrite, boire du sang frais de boeuf. Voici en quelques mots, la scène introductive de Fascination, scène "anodine" qui aura néanmoins de graves répercussions par la suite tant sur le récit que sur ses divers protagonistes. Quelques temps plus tard, Marc (Jean-Marie Lemaire, mix improbable entre Plastic Bertrand et François Valéry, et ayant la particularité d'avoir un talent similaire à celui des deux chanteurs précités...) chef d'un groupe de malfrats, fuit ses anciens condisciples, ces derniers appréciant peu sa trahison et ses envies égoïstes légitimes de vouloir garder le magot, soit quelques pièces d'or pour lui seul. Il trouve refuge non loin de là dans un château gardé par deux jeunes femmes mystérieuses, Eva (Brigitte Lahaie) et Elisabeth (Franca Maï). Dans un premier temps, les deux jeunes domestiques restent soumises au bon vouloir du nouveau maître des lieux, mais celles-ci n'ont qu'un seul but, que Marc soit leur hôte et reste au château jusqu'à minuit. Le soir même, le jeune homme devient le pôle d'attraction des diverses invités féminines au cours d'une étrange cérémonie...
Seconde collaboration avec la jeune Brigitte Lahaie après (justement) les Raisins de la Mort, Fascination est comme il l'a été écrit plus haut un film "à part" chez ce cinéaste estampillé Z. Après plusieurs années de mise en scène alimentaire à partir de la moitié des années 70 sous les pseudonymes Robert Xavier et autre Michel Gentil où il tourna par exemple les "mémorables": Lèvres entrouvertes pour sexes chauds (1978) mais encore La romancière lubrique (1976), Rollin s'essaie de nouveau au cinéma fantastique. Fascination, éloigné du pur vampirisme cher à son auteur, n'en demeure pas moins marqué par le sceau made in Rollin. L'amateur de Rollinades saura retrouver les caractéristiques propres au production cheap du cinéaste: des dialogues faiblards, une interprétation hasardeuse, un érotisme lesbien plus ou moins éventé... à ceci près qu'étonnamment ses défauts qui provoquent les sarcasmes ou les sourires en général n'entachent en rien les autres qualités de ce présent film.
Si le budget du film reste sans conteste limité, Jean Rollin eut la chance de filmer néanmoins dans des décors remarquables tel ce château qui rehaussent incontestablement l'atmosphère étrange du métrage, devenant même un personnage à part entière de l'action. Une ambiance savamment orchestré par le réalisateur et le directeur de la photographie, quelques scènes mémorables telle l'attaque à la faux par Brigitte Lahaie, font de Fascination un film, certes non dénué de défauts eu égard à ses faibles moyens, mais aussi et surtout un des rares longs métrages qui tendrait à expliquer l'aura culte de Jean Rollin, au delà de ses autres productions passées et à venir, lorgnant les deux pieds joints dans le mauvais film sympathique.