C’était un moment à redouter depuis quelques années déjà. Certes, en ayant fait drifter la saga dans le cinéma d’action bourrin avec un cinquième opus jouissif au possible, les Fast & Furious ont largement gagné en intérêt question divertissement. Mais en étant conscient de ce succès, la franchise n’a fait que garder l’allure avec un 6 qui se reposait sur les lauriers du précédent. Et un 7 qui ne cachait plus une certaine redondance, heureusement sauvé par la mise en scène et la débilité pleinement assumée du réalisateur James Wan. Mais comme toute voiture lancée à toute berzingue, l’essence dans le réservoir n’est pas éternelle. Et avec ce Fast & Furious 8, la franchise connaît sa première grande perte de vitesse depuis belle lurette malgré un spectacle assuré haut la main, témoin de la lassitude d’une prétendue famille.
Pourtant, au fil des épisodes, la saga nous avait habitué à bien des conneries scénaristiques, n’ayons pas peur des mots ! Surtout depuis que celle-ci préfère tout donner dans l’action et l’humour. Mais consciente de ce vide abyssale, elle n’a plus eu peur d’aller avec allégresse dans le grand n’importe quoi. Proposant un corps-à-corps de titans entre Vin Diesel et Dwayne Johnson. En insistant (un peu trop) sur le côté « famille » des personnages. En enchaînant les séquences incohérentes les plus folles : coffre-fort tracté en pleine rue, poursuite avec un tank, un « plane jacking » sur une piste de décollage interminable, un saut en voiture à travers trois tours… En essayant de raccorder les films de la franchise via des retournements de situation et révélations totalement loufoques (comme Letty revenant amnésique alors qu’elle était laissée pour morte, la mort de Han qui s’avère être un meurtre et non un accident…). Mais on s’en accommodait, voire en redemandait même ! Car c’était tout ce qu’un gros blockbuster pouvait promettre : fun et spectaculaire, rien de plus !
Fort de cela, il était évident que Fast & Furious 8 allait reprendre la même recette, ce qu’il fait. Mais bizarrement, cela semble ne plus trop fonctionner car tout dans ce film sent le forcé à plein nez. Pire, à beaucoup trop jouer la débilité avec l’humour balourd de Roman Pierce, l’aspect gros bras de Dwayne Johson poussé à l’extrême (surtout avec sa rivalité contre Jason Statham), un nouvel hommage à Paul Walker (gros comme une maison, bien que sympathique pour les fans), des liens avec les films précédents encore plus téléphonés qu’à l’accoutumée et un scénario je m’en foutiste au possible, la série devient une caricature d’elle-même – ainsi que d’Expendables avec les montagnes de muscles du casting –, faisant plus pitié qu’autre chose. Perdant ainsi de sa saveur jouissive, ce nouvel opus fait ressentir la lassitude que beaucoup redoutaient. Rend le tout ridicule sans que la fameuse débilité assumée ne parvienne à masquer cela. Pour dire, certains antagonistes précédents perdent de leur aura pour n’être que des personnages de plus prêts à rejoindre le groupe des héros. Même la majorité des comédiens ne semblent plus trop y croire, donnant vraiment l’impression d’être là pour toucher son cher petit cachet (seuls Jason Statham et Kurt Russell semblent s’éclater), c’est pour dire !
Même du côté de la mise en scène, quelque chose cloche. Bien que F. Gary Gray ait de la bouteille en termes de séquences d’action (Braquage à l’italienne), il tente de s’approprier l’efficacité de Justin Lin (Tokyo Drift à Fast & Furious 6) et le grand savoir-faire de James Wan (Fast & Furious 7), sans succès. La faute principalement à une surdose de ralentis, une ambiance beaucoup trop décomplexée et un sérieux manque de personnalité. Pourtant, le bonhomme arrive à s’en sortir en bon faiseur de divertissement en parvenant à livrer l’énergie et le spectaculaire nécessaire pour rendre les grandes scènes du long-métrage jouissives au possible. Je pense à la folle course-poursuite dans les rues de New York, entre un cortège diplomatique et une armée de « voitures zombies » (pilotées à distance) tombant des toits ou déboulant de chaque coin de rues. Et surtout à celle sur la banquise sibérienne, avec un sous-marin nucléaire dans la course. Ces séquences sont menées avec tellement de panache, de rythme, et se montrent suffisamment généreuses (en termes de durée et de cool attitude) pour assurer le spectacle. Pour faire le film à elles toutes seules, en plus de quelques petites scénettes bien efficaces (l’introduction, une baston en prison, une intervention musclée de Statham dans un avion…). Dans ce genre de produit hollywoodien, c’est le minimum syndical souhaité pour faire le job et sur ce point, Fast & Furious 8 remplit encore aisément son cahier des charges.
Mais quand on sort de la salle avec la moitié des spectateurs pestant contre le film, promettant qu’ils n’iront pas voir le 9 déjà programmé (et même un 10), c’est qu’il serait vraiment temps de couper le moteur. Car la franchise semble, après ce nouvel opus, ne plus avoir grand-chose à offrir sous le capot si ce n’est une caricature encore plus forcée d’elle-même. Et d’aller encore plus loin dans la débilité jusqu’à devenir indigeste. Qu’elle sera la prochaine étape ? Une course en pleine apocalypse façon 2012 ? Envoyer la Toretto’s family sur la Lune ? Vu le niveau de débilité atteint, on en sera là ! Et franchement, vaudrait mieux ne jamais voir ça…