Il suffit parfois d'un pitch un peu plus barré que les autres pour donner immédiatement envie de voir un film comme c'est le cas avec Fatman de Eshom Nelms et Ian Nelms. Ensuite le problème c'est qu'il faut que le film en lui même ne soit pas tant à la hauteur de son concept mais à la mesure des espoirs et des fantasmes qu'il va susciter chez les spectateurs. Fatman s'est assez bizarrement vendu comme un délire limite grindhouse de film d'action alors qu'il est en réalité une mélancolique et sombre fable sur l'esprit de moins en moins vibrant et scintillant de noël.
Fatman c'est donc l'histoire d'un gamin pourri gâté, totalement imbus de sa personne et détestable qui reçoit pour tout cadeau du père noël un morceau de charbon (Bien fait pour sa gueule !). Aussitôt en détournant l'argent de sa grand mère le gamin fait appel à son homme de main afin qu'il butte cet ingrat de gros Santa Claus.
Si vous attendez un affrontement délirant entre un tueur à gage et ce bon vieux père noël pendant 90 minutes vous serez fatalement très déçu, même si ce contrat mortel reste le pivot de l'intrigue c'est visiblement loin d'être ce que Eshom Nelms et Ian Nelms ont le plus envie de raconter. Fatman s'inscrit plus dans une forme de fable contemporaine sur un esprit de Noël malade de tout les maux de son époque au point que même la père noël ne croit plus vraiment en lui. On retrouve l'essentiel des éléments mythologiques habituels du père noël avec le traineau, les rennes, les lutins, le manteau rouge et la barbe mais le tout dans un contexte très réaliste et terre à terre. Le père Noël formidablement interprété par Mel Gibson ressemble ici à un petit entrepreneur désabusé qui tente de faire survivre tant bien que mal sa vieille fabrique de jouets face à une forte concurrence industrielle et un monde en pleine déconfiture morale et de moins en moins prompt à croire à la magie. Prénommé Chris, ce père noël limite dépressif se fait canarder au fusil par des gosses lors de ses tournées et se retrouve contraint de sous traiter son entreprise et ses lutins à l'armée pour tenir financièrement. A l'opposé un gamin absolument détestable vivant dans une arrogante opulence et se croyant tout permis semble avoir oublier que croire au père noël c'est aussi en accepter les principes moraux qui récompensent les enfants sages et punissent les affreux. L'argent, l'arrogance et le pouvoir ne suffiront pas à acheter la rigueur morale de notre bon vieux papa noël qui du coup verra sa tête mise à prix comme un symbole de ceux qui veulent tout sans le moindre effort en pensant que tout s'achète, se négocie et se monnaye. Si le film de Eshom Nelms et Ian Nelms est assez lent et bien peu spectaculaire il est en revanche bien plus profond et mélancolique qu'on pouvait le croire.
Face à Mel Gibson on retrouve l'excellent Walton Goggins (Django Unchained - Les Huit Salopards) qui incarne ici un tueur ayant lui aussi un vieux contentieux avec le père noël. Il faut aussi saluer la jolie performance de Marianne Jean Baptiste qui incarne une mère noël noire entièrement dévouée à son homme et à la magie de ses bonnes actions. Fatman est un petit film vraiment agréable à suivre avec de très bons comédiens, un pitch accrocheur mais habilement détourné pour en faire une histoire forte, le tout avec une mise en scène et une ambiance sombre et froide très réussi.
Fatman n'est sans doute pas le film le plus joyeux à montrer à vos enfants pour noël, par contre si vous souhaitez leur faire comprendre que croire au père noël c'est avant tout croire à certaine valeurs de bien et de mal vous pouvez toujours les traumatiser un peu en écoutant les préceptes de ce bon vieux Mel Gibson en Santa Claus aussi désabusé que vindicatif.