Le contrôle, et l'absence de contrôle, sont les thèmes principaux du film sombre et glauque qu'est Faults, première réalisation de Riley Stearns (que certains connaissent peut-être pour son court-métrage The Cub). plus précisément, le film soulève des questions bien distinctes sur ceux qui prétendent avoir le contrôle, ceux qui le veulent et ceux qui l'exercent et, tout au long de 90 minutes des plus tendues, suggère des réponses qui sont à la fois effrayantes et bizarrement humoristiques.
Car oui, on a beau avoir affaire à un film qui traite d'un sujet dur et difficilement racontable sans tomber dans la perversité, l'auteur a tout de même réussi à insuffler un humour qui permet de désamorcer certaines situations de façon assez légère, plutôt bienvenu pour un film marchant sur les traces d’œuvres comme The Master ou encore Martha Marcy May Marlene du trop méconnu Sean Durkin, Faults se distingue cependant par l'élaboration de pistes scénaristiques saisissantes.
Faults dirige son mystère narratif d'une façon étrangement oblique à travers les conversations de notre protagoniste principal avec ses "clients", puisqu'on en est là, parlons un peu du synopsis: Ansel Roth (Leland Orser), un expert dans le domaine des sectes et du contrôle mental, tombe en disgrâce après s'être fait agresser physiquement lors d'un séminaire pour son rôle joué dans le suicide d'une jeune femme qu'il n'a pas réussi à "déprogrammer". Ce scandale professionnel en direct ruine sa vie, lui fait perdre sa femme, son argent et toute sa crédibilité. Criblé de dettes, contraint de dormir dans sa voiture et subissant les menaces incessantes d'un agent peu scrupuleux et de son bras droit, c'est au moment ou il semble au fond du trou, que Roth est approché par Terry (Chris Ellis) et Evelyn (Beth Grant), le suppliant de venir en aide à leur fille leur fille, Claire, endoctrinée par une mystérieuse secte connue sous le noms de "Faults". Et bien qu'ils soient loin d'être des grands fans de sa méthode, Ansel a besoin d'eux autant qu'ils ont besoin de lui.
Alternativement glaciale, vulnérable et autoritaire, Claire est une énigme absolue, un vrai puzzle cachant des secrets sombres et inquiétants, le principal point de l'intrigue va tourner autour de la tentative d'Ansel Roth de briser l'emprise du culte sur son esprit. Inutile de dire que tout ne va pas se passer comme prévu...
Mary Elisabeth Winstead, que tout le monde connaît à travers Scott Pilgrim, tient ici un véritable rôle de tête d'affiche, le film tient en grande partie sur sa performance qui se révèle très différente de ses rôles les plus populaires, mais néanmoins carrément éblouissante. Il faut savoir que ce rôle a littéralement été écrit pour elle par Riley Stearns (également scénariste sur ce film), qui est hors-écran le mari de Winstead. En fait, Orser et Winstead fournissent tous deux certainement la meilleure performance de leur carrières respectives. Leland Orser, un acteur méconnu au caractère pourtant bien trempé, habite chaque particule du personnage d'Ansel Roth, fournissant un portrait détaillé et complexe le décrivant au départ comme un faible à l'âme en peine, puis, en plongeant de plus en plus dans la psyché de Claire, lui imprégnant une autorité constante indiquant qu'il s'agit d'un homme intelligent qui connaît parfaitement son affaire.
La beauté du film de Stearns tient dans son imprévisibilité, à partir d'un script qui subvertit les attentes du spectateur, il tourne un film impressionnant dans sa capacité à changer de ton de manière quasi-transparente, tirant le meilleur parti de son cadre et fournissant une lutte sans merci entre deux personnages obsessionnels luttant pour prendre le contrôle l'un de l'autre.
Il serait malvenu de parler plus en long du scénario, de peur de gâcher la surprise, mais il est nécessaire d'évoquer le point le plus impressionnant de ce long-métrage, la construction scénaristique complètement hallucinante et imprévisible, qui prend sans cesse le spectateur au dépourvu, et donne au film un aspect intriguant et délicieusement effrayant. Ce qui dénote une grande qualité d'écriture, pas seulement du scénario mais également des personnages, en établissant des traits de caractères bien définis aidant à la compréhension de leurs motivations, du dégoût de soi habitant Ansel, à la personnalité dangereusement dominatrice du père de Claire. Le point culminant des relations entre les personnages se situant dans les scènes de confrontation entre Ansel et Claire, les dialogues de ce film sont si brillamment écrits et pensés qu'ils parviennent à faire froid dans le dos par moment, mettant à nu les doutes et défauts de nos personnages, et serrant la vis de la tension jusqu'à des niveaux insupportables, jusqu'au dénouement de l'intrigue.
Visuellement, le film dispose cependant d'une souplesse étonnante, soulignant même la beauté au cœur d'un environnement totalement déprimant. Le directeur de la photographie Michael Ragen garde sans cesse sa caméra mobile de façon fluide et discrète, trouvant au sein de ses prises de vue des angles décalés se révélant à la fois intimes et troublants. Particulièrement précieux dans le dernier tiers du film, lorsque celui-ci verse dans le surréaliste. Stearns mélange de main de maître la comédie noire des frères Coen, aux teintes sombres et dramatiques, à un ton plus léger et déroutant. un choix de mise en scène qui sèmera à coup sûr la confusion chez la plupart des spectateurs, mais qui se révèle au final, totalement justifié et en accord avec l'ensemble du film.
Faults ne se repose cependant pas sur une construction paranoïaque dirigeant vers une fin étrange, comme pourrait le suggérer la présence du mystérieux Lance Reddick. Stearns s'intéresse plus à examiner de près ses personnages en crise, tournant son enquête au travers d'un interrogatoire, le film se révèle être aussi sinistre que ce que peuvent laisser penser les décors poisseux sortant tout droit d'un thriller des années 70 ou 80. L'espace confiné dans lequel se situe l'action s'inscrivant parfaitement le long des lignes de faille psychologiques des personnages, tout en étant une parfaite illustration de leur personne, de l'isolement de Ansel à l'état transitoire de Claire.
Construit comme une grosse réflexion sur le libre arbitre, Faults fascine, dérange, hypnotise. Bien plus qu'un simple film dénonçant le pouvoir des sectes, un film qui questionne, pourquoi des gens à priori sans histoires, offrent le contrôle de leur vie, les clés de leur destin à des gens de cette espèce? Quel événement de leur vie a pu les amener à croire qu'ils ne possèdent pas les capacités de décider de leur propre avenir? Faults est impressionnant sur un certain nombre de fronts, mais son accomplissement le plus astucieux est de nous obliger à reconnaître que les désirs de ces disciples sont bien plus ambigus que ce qu'on pourrait croire au premier abord.
Axant son récit sur l'histoire d'un homme qui cherche résolument à reprendre le contrôle de sa vie en essayant désespérément de l'exercer sur quelqu'un d'autre, Faults instaure un drame psychologique pervers, commençant comme un échange unilatéral, puis basculant peu à peu dans un jeu de décodage mélangeant l'esprit et l'expression faciale, un film sombre, mystérieux, mais brillamment mis en scène et parfaitement interprété.
Jetez-vous dessus, pour votre bien!