On pourra louer autant qu'on veut la splendeur visuelle de Loveless, il n'en demeure pas moins que le réalisateur aurait pu faire preuve d'un peu plus de subtilité. Pour dénoncer l'individualisme féroce de la société russe, Zvyagintsev ne recule devant aucune idée lourdingue. Rien que la première scène de conflit entre le père et la mère dans la cuisine est grossièrement dialoguée, les personnages énoncent bêtement les causes et les conséquences de leur haine mutuelle sans laisser au spectateur le plaisir de lire entre les lignes. Pareil pour montrer l'aliénation du monde du travail avec l'inévitable plan d'ascenseur avec tous les cadres en costards alignés comme des moutons (on a vu ça dans un milliard de film, merci Zvyagintsev), les meufs qui font sans arrêt des selfies et j'en passe, jusqu'à une dernière scène qui restera dans la mémoire comme un sommet de lourdeur scénaristique (
au son la télé qui parle de l'Ukraine et à l'image une nana qui court en faisant du surplace sur son tapis roulant avec un jogging sur lequel est inscrit en lettre géante Russia, c'est bon on a compris le message
). Tout ceci pour ne laisser au spectateur aucune échappatoire, aucune chance de voir là dedans un faisceau d'espoir, non, le monde c'est de la merde et les gens sont des cons. Le genre de film qui plait visiblement à une certaine intelligensia cannoise.
Deux scènes tétanisantes restent néanmoins marquante : l'enfant caché derrière la porte de la salle de bain et
la scène de la morgue
. Pour ces instants et pour sa beauté technique, Loveless mérite tout de même le coup d'oeil.